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Professionnels de santé exilés : comment exercer en France ?

L'association d'Accueil aux médecins et personnels de santé réfugiés en France (APSR) se donne pour mission d'aider les professionnels de santé réfugiés sur le territoire à y réaliser une insertion professionnelle correspondant à leur formation et à leur expérience. Mais en fonction des métiers, cette insertion est plus ou moins facilitée.

Par Laure Martin.

LaureMartin

Pour les professionnels de santé non membres de l’Union européenne ou de l’Association européenne de libre échange (AELE) et qui ont obtenu leur diplôme dans leur pays, exercer en France s’avère compliquée. « Le but de notre association est de les aider à trouver une activité professionnelle dans leur domaine et en conformité avec la loi française, ce qui n’est pas toujours simple car les professions médicales sont réglementées », fait savoir Françoise Henry, secrétaire générale de l’APSR.

Vérification des connaissances

Pour pouvoir exercer une profession médicale en France, les demandeurs doivent satisfaire aux épreuves de vérification des connaissances dans leur spécialité. Ils ne peuvent s’y inscrire que trois fois et doivent au préalable avoir un niveau B2 en français. « Le statut de réfugié apporte quelques facilités car les candidats passent un examen, et non un concours, explique Françoise Henry. La note de 10/20 est suffisante. » Ensuite, ils doivent trouver un poste pour exercer les fonctions de praticien attaché associé ou assistant associé pendant trois ans dans un lieu d’exercice qui valide également les étudiants français, c’est-à-dire qu’il ne peut pas s’agir de n’importe quelle clinique ou établissement. « Ces postes ne sont pas toujours faciles à trouver car il n’y a pas d’affichage, rapporte Françoise Henry. Les candidats doivent les chercher, se renseigner, être pugnaces et volontaires. » Et d’ajouter : « Nous leur conseillons de commencer par faire des stages bénévoles pour avoir un pied dans la structure et se faire connaître. Car ils sont en concurrence pour ces postes avec des médecins français qui peuvent être déjà connus des services en raison de leurs précédents stages. »

Pour les médecins qui n’ont pas le statut de réfugié, ils doivent s’inscrire sur la liste A. Il s’agit de la même épreuve que ceux qui ont le statut, mais cette fois-ci, il s’agit d’un concours et donc seuls les premiers peuvent prétendre à des postes de praticiens associés. Une fois qu’ils ont fait les trois ans en tant que praticien associé, leur dossier est examiné par la commission d’autorisation d’exercer du ministère de la Santé.

Solution alternative : les médecins ayant obtenu leur diplôme hors UE peuvent, moyennant une formation de cinq mois dans certains Ifsi, obtenir un diplôme équivalent d’infirmier. « Certains le font car cela leur permet de gagner leur vie, indique Françoise Henry. Mais ils gardent en tête leur projet d’exercer en tant que médecin. Ils sont admis à l’Ifsi sur entretien. Ils doivent bien réfléchir à ce qui les motive car ils doivent parvenir ensuite à se mettre, au sein des équipes, en position d’infirmier et non plus de médecins. »

"Les sages-femmes par exemple sont dans l’incapacité d’exercer leur profession en France puisqu’il n’existe pas de poste de praticien associé ouvert"

Examen non organisé

Pour certaines professions, c’est beaucoup plus compliqué. C’est le cas pour les sages-femmes par exemple qui sont dans l’incapacité d’exercer leur profession en France puisqu’il n’existe pas de poste de praticien associé ouvert. De ce fait, il n’y a pas d’épreuve de validation des connaissances organisées. « Pour ces professionnels, nous leur conseillons de passer les concours d’auxiliaires de puériculture puis éventuellement d’infirmier afin de garder un pied dans leur secteur », explique Françoise Henry.
Pour les chirurgiens-dentistes aussi la démarche devient difficile. Depuis deux ans, aucun poste de praticien associé n’est ouvert. « Tant que le ministère de la Santé n’acceptera pas que les professionnels puissent valider leur pratique en libéral, ce sera compliqué », reconnaît Françoise Henry. L’association oriente ceux qui ont eu l’opportunité de travailler dans leur pays dans des laboratoires en lien avec la dentisterie, vers des postes d’experts.

Les paramédicaux n’ont quant à eux aucune équivalence et doivent recommencer leurs études en France. « Pour les infirmiers, nous leur conseillons de commencer par des études d’aides-soignants, car généralement ils ont déjà le baccalauréat ce qui les dispense, pour l’examen d’aide-soignant de la partie écrite, et ils ne doivent que passer l’oral. » Ensuite, après trois ans d’exercice, leur entrée peut être facilitée en école d’infirmier comme c’est le cas pour les aides-soignants français.
Quant aux vétérinaires, leur seule manière d’exercer en France est d’obtenir la nationalité française. « On leur propose alors de chercher des postes d’assistants vétérinaires », fait savoir Françoise Henry.

L’association ouvre plus d’une centaine de dossiers par an, toute profession confondue, mais ce sont majoritairement des médecins, des infirmiers, puis des dentistes et des pharmaciens. Ces dernières années, de nombreux Syriens ont contacté l’APSR, comme des Irakiens et des Afghans. En 2018, une grande partie d’entre eux venaient des pays d’Afrique en guerre comme la République démocratique du Congo, leur avantage étant d’être francophones.


Pour joindre l’association : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Pour les professionnels de santé en lien avec l’UE

Pour les professionnels de santé venant d’un pays membre de l’Union européenne ou de l’Association européenne de libre échange (AELE), et ayant obtenu leur diplôme en UE ou dans l’AELE, la réglementation européenne prévoit une procédure de reconnaissance automatique de certains diplômes. La délivrance d’une autorisation est effectuée par le Centre national de gestion (CNG). Une commission vérifie que le niveau de formation est équivalent au niveau exigé en France. En fonction, la commission peut exiger, afin de délivrer l’autorisation, que le demandeur accomplisse des mesures de compensation comme un stage d’adaptation ou une épreuve d’aptitude. Il doit ensuite s’inscrire au Conseil de l’ordre de sa profession, qui peut vérifier la maîtrise de la langue française.

Pour un diplôme obtenu dans l’un des pays de l’UE ou de l’AELE par un ressortissant d’un pays n’appartenant pas à l’UE ou à l’AELE, le demandeur doit lui aussi demander au CNG la délivrance d’une autorisation d’exercice. La commission va alors vérifier que le niveau de formation est équivalent au niveau exigé en France. Dans ce cas-là également, elle peut exiger l’accomplissement de fonctions hospitalières pour une durée qu’elle détermine, afin de délivrer l’autorisation.

  

par Laure Martin