Se former à l’acupuncture - Interview du Dr Tâm Nhan

Né à Saïgon en 1979, dans une famille de médecins traditionnels sino vietnamiens, le Dr Tâm Nhan est médecin généraliste et acupuncteur à Amiens. Il explique pourquoi, après sa thèse en médecine générale, il a poursuivi sa formation par la capacité d’acupuncture générale et gynéco obstétricale au centre d’enseignement de l’acupuncture de l’Université Paris 8 à Bobigny.

Propos recueillis par Laurent Joyeux.

LaurentJoyeux

Pourquoi ce choix d’une double formation ?

J’ai introduit l’acupuncture dans ma pratique médicale car si la médecine occidentale soigne bien les pathologies lésionnelles, la médecine traditionnelle chinoise répond mieux aux pathologies fonctionnelles tout en accompagnant les pathologies organiques. Elle propose une autre grille de lecture rendant les symptômes fonctionnels plus signifiants et explicites. L’acupuncteur intervient en amont de la crise. Devant des symptômes douloureux ou des signes de mal être comme l’insomnie, la fatigue ou le stress, il va rechercher l’origine du déséquilibre. C’est une médecine à l’écoute du corps et des émotions.

Dans quel cadre proposez-vous l’acupuncture à vos patients de médecine générale ?

Je propose l’acupuncture à mes patients pour des symptômes variés allant de la simple crise de tétanie, au stress des examens jusqu'à l’accompagnement des soins en oncologie, ainsi que des pathologies difficiles à prendre en charge comme les fibromyalgies, les neuro algo dystrophies et les acouphènes, pour ne citer qu’elles. L’acupuncture intervient également pour réaliser des fenêtres thérapeutiques pour arrêter l’escalade de la prise médicamenteuse, par exemple dans les céphalées par abus d’antalgiques. Les patients sont adressés par des confrères généralistes ou spécialistes. Il faut comprendre que la maladie provoque un stress oxydatif qui bloque notre capacité endogène d’auto régulation et de régénération. L’acupuncture stimule notre capacité neuro endocrinienne à faire face à la maladie.

Je propose l’acupuncture à mes patients pour des symptômes variés allant de la simple crise de tétanie, au stress des examens jusqu'à l’accompagnement des soins en oncologie, ainsi que des pathologies difficiles à prendre en charge comme les fibromyalgies, les neuro algo dystrophies


Y a-t-il un antagonisme entre la médecine occidentale et l’acupuncture ?

Les deux méthodes sont en totale complémentarité. Aujourd’hui on connaît mieux les réactions produites par la stimulation des aiguilles d’acupuncture. L’acupuncture est un très bon stimulateur des régulations hormonales bloquées par le stress. Par exemple, dans le cas d’une pathologie lourde  comme la dépression, les antidépresseurs vont pallier le manque de sérotonine. L’accompagnement par acupuncture va compléter l’effet en stimulant la capacité endogène de sécrétion de la sérotonine, rendant au corps sa capacité de s’adapter aux agressions physiques et émotionnelles de son environnement. Ainsi la prise d’antidépresseur ne sera pas majorée, voir diminuée jusqu’à autonomisation du patient. L’acupuncture n’apporte pas au corps ce qui lui manque, elle stimule le corps pour le produire. « On ne vous donne pas le poisson, on vous apporte la canne à pêche ! »

Vous avez fait le choix d’être formateur, pourquoi ?

Au cours de ma formation d’acupuncteur (3 ans de capacité complétés par des stages réguliers dans les universités de médecine traditionnelle chinoise de Beijing) j’ai pris conscience que devenir formateur permet de rester dans une dynamique d’apprentissage. D’ailleurs à Paris 8, toute une équipe formée par le Dr Colin  entoure aujourd’hui le Dr Tristan Cuniot, le nouveau coordinateur de Bobigny, pour continuer de transmettre « la flamme ». Enseigner permet aussi de voir évoluer la discipline. En 2005, une douzaine d’étudiants s’inscrivaient en 1re année, ils sont une centaine cette année. Ils ne seront plus que 30 en 3e année car les études sont très difficiles. Il faut apprendre plus de 600 points d’acupuncture et l'enseignement en médecine chinoise bouleverse nos repères de médecins occidentaux. Commence alors une gymnastique intellectuelle pour intégrer d’autres bases de lecture sémiologique qui seront par la suite source de richesse dans l’analyse des symptômes du patient.

Enseigner permet aussi de voir évoluer la discipline.


Comment repérer les charlatans ?

Quelles que soient leurs origines (médecins, ou non médecins) Il faut se méfier des praticiens isolés  qui demandent des tarifs élevés injustifiés, sans aucune traçabilité de leurs actes, qui promettent guérisons rapides en peu de temps et qui puncturent sans faire d’interrogatoire, ni examen clinique, sans palper les pouls chinois, ni même inspection de la langue et de son enduit, enfin qui ne donnent pas au patient un diagnostic syndromique clair. Il faut savoir qu’en plus de lutter contre l’abus médicamenteux l’acupuncture permet, pour certains patients marginalisés, de rétablir un lien avec des soins inscrits dans un parcours reconnu.

L’acupuncture est-elle plus reconnue par la médecine occidentale ?

La reconnaissance passe par la communication d’études scientifiques et l’organisation d’événements scientifiques proposés par la fédération de nombreuses associations d’acupuncteurs à travers le monde. La Journée mondiale de l’acupuncture à la Maison de l’Unesco réalisée par le WADO en novembre dernier en fut un bel exemple. Néanmoins beaucoup de chemin reste à faire car beaucoup de confrères médecins restent réfractaires par manque d’explication, d’échange et d’information, n’ayant pas pris connaissance des résultats  scientifiques parus. Il est indispensable de montrer les aspects scientifiques de la spécialité. Cela exige beaucoup de rigueur.

En conclusion, un message ?

La médecine du XXIe siècle, c’est une médecine qui combine à la fois les progrès techniques et scientifiques de la médecine occidentale tout en y intégrant l’écoute et la finesse d’accompagnement de la médecine traditionnelle chinoise pour rendre aux patients toutes leurs capacités d’adaptation face à la maladie.

couv livre

On peut se procurer le livre de Nicolas Rouig et du Dr Tâm Nhan écrit 
Je retrouve mon énergie
 qui présente les cinq éléments de la pensée chinoise 
dans la Collection Psychoguides PUF

par Laurent Joyeux