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Quelle insertion professionnelle pour les infirmiers ?

La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) a rendu publique le 24 janvier une étude sur l’insertion professionnelle des infirmiers. Elle s’avère de plus en plus difficile.

Par Laure Martin

LaureMartin

En 2017, plus de 26 000 diplômes d’infirmiers ont été délivrés, soit près de deux fois plus qu’en 2000. Le nombre de nouveaux infirmiers diplômés d’État est en constante augmentation depuis le début des années 2000. Cette croissance se traduit par une évolution très dynamique du nombre d’infirmiers diplômés d’État (IDE) en France métropolitaine (+3 % en moyenne par an, contre +0,6 % pour l’ensemble des professions) pour atteindre 500 000 infirmiers en 2017. Une tendance qui devrait se poursuivre dans les prochaines années, à un rythme qui diminuerait toutefois progressivement pour s’établir à 2 % par an jusqu’en 2020, puis à 1 % par an jusqu’en 2040. Plusieurs facteurs expliquent cette augmentation, notamment la hausse des quotas nationaux définissant le nombre d’inscrits en première année de formation. Il est alors légitime de se demander si les infirmiers trouvent toujours aussi facilement du travail. « Si l’entrée sur le marché du travail reste aisée, le nombre d’infirmiers demandeurs d’emplois a augmenté », a fait savoir Yannick Croguennec de la DREES, lors de la présentation de l’étude.

Une insertion sur le marché de l’emploi plus difficile qu’auparavant

Parmi les diplômés de 2013, 74 % ont trouvé leur premier emploi en moins d’un mois. Cela concerne 71 % des primo-sortants et 79 % des post-initiaux c’est-à-dire les personnes qui ont repris des études en soins infirmiers après avoir été auparavant aide-soignant ou agent de service hospitalier (lire encadré). En 2007, ils étaient 85 %... ce qui est révélateur d’un allongement du délai d’insertion entre ces deux promotions.

Ce premier emploi est dans 73 % des cas, temporaire (CDD, intérim, contrat aidé). Les infirmiers primo-sortants sont plus souvent dans ce cas (78 %) que les post-initiaux (62%), dont l’expérience antérieure peut favoriser l’obtention d’un contrat stable. Comme les infirmiers doivent justifier d’une expérience professionnelle de 24 mois au cours des six années précédant une demande d’installation, ils ne s’installent pas en libéral dès l’obtention de leur diplôme. L’ensemble des nouveaux diplômés commencent donc leur carrière comme salariés : la moitié des IDE (50 %) occupent leur premier poste dans un hôpital public, tandis que 12 % travaillent pour l’Etat ou le service public dans un autre type d’établissement et 38 % sont employés d’un établissement du secteur privé.

Plus d’inscrits à Pôle Emploi

L’insertion des jeunes diplômés infirmiers reste néanmoins meilleure que les diplômés de même niveau hors santé - parmi eux, seuls 51 % trouvent un emploi en moins d’un mois.
Par ailleurs, au fil des promotions, la part de temps passé en emploi par les nouveaux diplômés infirmiers durant les trois années suivant l’obtention de leur diplôme a légèrement diminué : 95 % pour la promotion de 2013 contre 98 % pour celle de 2007 – une différence qui peut s’expliquer par la conjoncture au moment de la sortie de leur formation : le taux de chômage des 15-24 ans était plus élevé en 2013 (24 %) qu’en 2007 (19 %).

Les infirmiers travaillant en libéral déclarent un revenu supérieur de 28 % à celui des IDE exerçant comme salariés


Cependant, cette proportion de temps passé en emploi durant les trois années suivant l’obtention du diplôme demeure à un niveau comparable à celui des autres diplômés dans le domaine de la santé (92 %). Elle est nettement plus élevée que pour les autres diplômés hors santé primo-sortants de niveau équivalent (75 %).De même que les infirmiers sont 83 % à occuper un emploi stable et 51 % à n’avoir connu qu’un employeur au cours de ces trois années. Trois ans après l’obtention du diplôme, 4,5 % d’entre eux exercent comme infirmiers libéraux (7,5 % pour les post-initiaux contre 3,0 % pour les primo-sortants). Cette part est faible comparée à celle des autres professionnels de santé de même niveau (59 %), notamment les masseurs-kinésithérapeutes qui exercent essentiellement en libéral. Les infirmiers travaillant en libéral déclarent un revenu supérieur de 28 % à celui des IDE exerçant comme salariés. Enfin les niveaux de revenu diffèrent entre primo-sortants et post-initiaux : au sein de la promotion 2013, les premiers ont un revenu de 9 % inférieur à celui des seconds.

Les données de Pôle Emploi révèlent cependant que les infirmiers en soins généraux qu’ils soient ou non nouveaux diplômés sont de plus en plus touchés par le chômage. Au 31 décembre, ils étaient 4,2 % des effectifs à être concernés. La DREES révèle que la dégradation est plus marquée que pour les autres professions mais la proportion de demandeurs d’emplois est moindre que dans les autres métiers.


Pour lire l’étude : https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/er1099.pdf

Des étudiants non-issus

L’étude de la DREES fait savoir que de plus en plus d’étudiants entreprennent leur formation en ayant déjà connu des périodes d’emploi, de chômage ou d’inactivité. Ces « post-initiaux » (par opposition aux diplômés « primo-sortants », issus de la formation initiale) représentent en France métropolitaine 31 % des infirmiers diplômés en 2013. Leur proportion parmi les infirmiers est en nette augmentation puisqu’ils ne représentaient que 12 % des diplômés de 2001.

A la date d’obtention de leur diplôme, les post-initiaux diplômés en 2013 sont âgés en moyenne de 31 ans, contre 23 ans pour les primo-sortants. La durée moyenne entre la fin de leurs études antérieures et l’inscription en formation d’infirmier est de près de huit ans. Dans la majorité des cas, l’entrée en formation d’infirmier ne répond pas au besoin de sortir du chômage puisque 72 % d’entre eux étaient en emploi avant leur entrée en formation, une proportion proche de celle observée pour les promotions 2004, 2007 et 2010. Par ailleurs, la moitié des diplômés post-initiaux travaillaient déjà dans le domaine de la santé (agent de service hospitalier, aide-soignant, auxiliaire de puériculture, secrétaire médical ou ambulancier). Leurs principaux motifs pour suivre les études d’infirmier sont l’obtention d’une qualification professionnelle reconnue (citée par 42 % d’entre eux). L’élargissement des compétences est fréquemment avancé par les personnes qui étaient en emploi avant leur entrée en formation (28 % d’entre elles l’évoquent) et en particulier celles qui travaillaient comme aides-soignants (54 %).

par Laure Martin