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Le rôle des infirmiers dans la prise en charge des urgences

L’organisation des soins d’urgence en France est confrontée, depuis de nombreuses années, à plusieurs problématiques altérant la prise en charge optimale des patients. Les infirmiers ont un rôle essentiel à jouer dans cette offre de soins dont les IPA.

Par Laure Martin.

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En février 2019, la Cour des comptes a rendu son rapport public annuel dont une partie était consacrée aux « urgences hospitalières, des services toujours trop sollicités ». Les Sages de la rue Cambon se sont intéressés à cette thématique pour deux raisons : tout d’abord parce que la situation de certains services d’urgence est l’un des points de manifestation des tensions dans le système de soins. Mais aussi « parce qu’il y a quatre ans, nous avions déjà publié un rapport sur la situation des urgences, et nous voulions faire le point cinq ans plus tard », a fait savoir François de la Guéronnière, conseiller maître à la Cour des comptes lors de la cinquième Matinale de l’Ordre national des infirmiers (Oni).

Développer les liens ville-hôpital

L’institution constate une aggravation des tensions au sein des services d’urgence, en raison notamment d’une croissance du nombre de passages (+3,6 % par an). « Certains passages auraient pu être traités en ville », a indiqué, sans surprise, le conseiller maître. Et d’ajouter : « Certes, une amélioration du fonctionnement est constatée notamment avec une généralisation des fonctions d’accueil et du triage des patients à l’entrée aux urgences. Mais ils sont encore peu orientés vers la ville lorsque leur prise en charge le permet. » Cette articulation entre la ville et l’hôpital est l’un des points d’échauffement du système. « L’offre de soins non programmés ne se développe pas assez en ville, a poursuivi François de la Guéronnière. Des efforts sont réalisés avec les maisons médicales de garde et les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) mais ce n’est pas une alternative suffisante. » Outre le développement des MSP, le plan gouvernemental Ma Santé 2022 met aussi l’accent sur les hôpitaux de proximité, « une base sur laquelle il est nécessaire de s’appuyer », a estimé le conseiller maître.

La précarisation des conditions de travail des soignants hospitaliers expliquerait aussi en partie la situation, d’après le Dr François Dolveck, directeur médical du Samu de Seine-et-Marne, responsable du département de médecine d’urgence Samu-SMUR-SAU Santé pôle Melun. Pour lui, l’aspect formation et reconnaissance sont au cœur du sujet, tout comme l’aspect financement. « Il y a une paupérisation des médecins, il faut s’attaquer à cette question pour trouver une solution. » Il plaide aussi pour la mise en place de parcours spécifiques pour les personnes âgées. « Des décisions politiques fortes sont à prendre. » a-t-il soutenu.

Les infirmiers, vigies des médecins

L’Ordre national des infirmiers (Oni) adhère aux axes d’amélioration de la Cour des comptes. Il soutient également la promotion du rôle infirmier dans la coordination par exemple au travers des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). « Nous essayons d’encourager les professionnels de santé à créer des Équipes de soins primaires (ESP) et des CPTS pour prendre en charge les soins non programmés, a souligné Patrick Chamboredon, président de l’Oni. Les infirmiers sont les vigies des médecins et leur rôle est en train d’évoluer. Il faut porter un nouveau rôle infirmier notamment aux urgences. Une piste de réflexion doit être menée sur le sujet. » La Cour des comptes appelle, elle aussi, à un accroissement du rôle des infirmiers et se dit favorable au développement des infirmières de nuit dans les Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

Les infirmiers sont les vigies des médecins et leur rôle est en train d’évoluer. Il faut porter un nouveau rôle infirmier notamment aux urgences.


En attendant, l’accent peut également être mis sur les infirmiers d’accueil et d’orientation. « Notre rôle est d’assurer les premiers soins, d’administrer les antalgiques, de prescrire les bons pour la radiologie, et de gérer les flux de patients selon notre cadre d’activité », a expliqué Florian Leduc, infirmier d’accueil et d’orientation à la clinique de l’Estrée à Stains (Ile-de-France). Ces fonctions sont assurées dans le cadre du rôle propre des infirmiers et sur protocoles médicaux. « Nous avons aussi pour mission d’attribuer un code couleur aux patients en fonction du degré de gravité de leur problème afin de prioriser les prises en charge, a-t-il ajouté. Mais parfois, la situation est conflictuelle avec le patient, car il ne comprend pas pourquoi son cas va être considéré comme moins grave que celui d’un autre. Il y a donc un important travail relationnel à faire avec lui. »

Les infirmiers dans les prises en charge pré-hospitalières

Les infirmiers interviennent aussi dans les prises en charge pré-hospitalières notamment lorsqu’ils endossent le rôle d’infirmier de sapeurs-pompiers. Ils sont 400 professionnels à exercer ce rôle mais la force infirmière volontaire est de 6 000 à 7 000 personnes. Sur le terrain, les médecins sont les chefs des services médicaux. « Nous travaillons sur des protocoles de soins d’urgence mais l’essentiel de notre activité est paramédical, indique Yaël Lecras, infirmier en chef, responsable pratiques professionnelles, compétences et formation au Pôle santé et secours médical dans le Nord. Les infirmiers agissent en toute autonomie, sur la base de protocoles. Nous intervenons en extra-hospitalier, mais la question de l’évolution de notre travail se pose avec la télémédecine et la mise en place des infirmiers de pratique avancée (IPA). Ces derniers permettraient un autre recours et une meilleure synergie entre le monde médical et paramédical. » « Avec la pratique avancée, les médecins ne doivent pas se sentir dépossédés, souligne Patrick Chamboredon. Le rôle des IPA est une juste régulation du rôle infirmier qui était déjà effectué au quotidien. Est-ce que les infirmiers peuvent se voir reconnaître un rôle autonome ? Il ne faut pas que cela crée des tensions entre les métiers. Il y a de la place et de l’espace pour tout le monde pour concourir à la bonne prise en charge des usagers. » Et de conclure : « Nous essayons de promouvoir le rôle infirmier, mais lorsqu’on voit l’évolution de certains pays, nous constatons qu’en France, nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir. Il faut respecter les limites de chaque métier pour les faire évoluer. Mais notre décret d’actes à plus de 15 ans, il doit être revu pour une meilleure prise en charge de la population. »

par Laure Martin