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Première année de médecine : la réforme détaillée

Exit le numerus clausus et la PACES. L’accès aux études de médecine se veut plus diversifié à partir de 2020. Lors d’une conférence de rentrée organisée le 26 septembre, le Pr Jean Sibilia, président de la conférence des doyens des facultés de médecine, et le Pr Djillali Annane, vice-président en ont dévoilé les détails. 

Par Laure Martin.

LaureMartin

« Après dix ans de ″première année commune aux études de santé″ (PACES), il faut rénover les formations avec une structuration et des objectifs différents », a souligné le Pr Sibilia, précisant que cet état des lieux est partagé par les équipes pédagogiques et les étudiants.

Des nouveaux objectifs en santé pour les études de médecine

Cette réforme du premier cycle vise à répondre à plusieurs attentes. Tout d’abord, au souhait de diversification des profils des étudiants, rendu désormais possible par la pluralité des voies d’accès aux études de médecine. « L’objectif est également de faciliter la réussite des étudiants, a rappelé le Pr Sibilia. Jusqu’à présent, les études en santé étaient perçues comme trop difficiles, amenant certains étudiants à vouloir fuir en Belgique ou en Roumanie, une situation sociologiquement difficile à accepter. » D’où cette réforme de la PACES et la fin du numerus clausus« Nous avons porté fortement ce message avec l’idée que nous pouvons faciliter la réussite de nos étudiants et réorienter ceux en échec », a-t-il ajouté, précisant qu’il ne faut pas pour autant rogner sur la qualité de la formation de cette filière, « reconnue dans le monde entier et qui doit perdurer ». Il plaide pour une transformation des contenus pédagogiques en raison des enjeux de formation initiale de la médecine qui n’existaient pas il y a dix ans avec l’arrivée notamment du digital, du numérique et de l’intelligence artificielle. Il souhaite aussi que les futurs médecins soient formés à l’éthique et à la déontologie, des enjeux très importants dans une vision pluriprofessionnelle.

Différentes voies pour intégrer la filière

La réforme du premier cycle génère néanmoins certaines inquiétudes chez les bacheliers. Auparavant, la démarche était simple : tout bon scientifique accédait à la PACES, puis à l’issue de cette première année, le concours couplé au numerus clausus déterminait les grands vainqueurs. 

Désormais, la donne a changé. À partir de 2020, les études en santé deviennent « les études MMOP » pour Médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie. Trois voies d’accès vont être disponibles, et les universités, via notamment la plateforme d’admission à l’enseignement supérieur, Parcoursup, devront proposer au moins deux de ces trois possibilités : 

  • une année spécifique ou « Portail santé » proposée par une UFR santé, qui constitue la voie principale pour accéder aux études de médecine. La formation sera médicale, technique et scientifique. 

  • Une formation de premier cycle conduisant à un diplôme de licence avec une mineure santé. Un étudiant pourra par exemple coupler une licence de droit avec une licence de biologique. 

  • Une troisième voie accessible aux paramédicaux.

La fin du numerus clausus interroge sur la détermination du nombre d’étudiants qui seront désormais admis en deuxième année. Aujourd’hui, aucun outil n’existe pour fixer ce nombre exact. « Personne ne sait combien de médecins doivent être formés d’ici cinq, dix, quinze ans », a reconnu le Pr Sibilia. La solution devra être trouvée d’ici quelques mois car le nombre minimum de places offertes au sein de chaque faculté devra être précisé sur Parcoursup. Avec cette plateforme d’admission, la sélectivité se fait à l’entrée de l’université. Les commissions d’évaluation des vœux des bacheliers pour l’accès à la filière spécifique santé seront majoritairement composées de médecins. Mais pour l’accès en licence avec une mineure santé, des médecins seront présents, mais pas uniquement.  

Certes, nous voulons que nos futurs médecins aient une culture humaniste mais à la fin de leur étude, ils doivent être de bons docteurs.

La sélection pour la filière MMOP 

Après une première année de licence ou une première année « Portail santé », l’accès à la filière MMOP ne va donc plus dépendre des résultats d’un concours. Plusieurs cas de figure vont se présenter. 

  • l’étudiant a validé 60 ECTS à l’issue de sa première année, il peut alors déposer son dossier pour la filière MMOP. 

  1. S’il a un très bon dossier, il accède directement à la filière MMOP et peut choisir la spécialité de son choix parmi les quatre. La moyenne à atteindre pour que le dossier soit considéré comme « très bon » sera fixée par chaque université, sans harmonisation nationale.

  2. Si le candidat a un dossier un peu moins bon, il devra passer l’admission qui consiste en des questions de rédaction et des oraux devant un jury composé de médecins et de représentants de chaque branche. Ce jury décidera de l’admission ou non en MMOP. « L’organisation de l’admission est sujet à inquiétude, a révélé le Pr Sibilia. Il va y avoir des grands jurys à organiser pour un grand nombre d’étudiants. C’est un souci pour les équipes pédagogiques. » 

  • Si l’étudiant est parvenu à obtenir 60 ECTS mais n’est pas sûr de son orientation, il peut choisir une autre filière à l’issue de la première année. 

  • Si l’étudiant n’est pas pris en filière MMOP mais détient 60 ECTS, il peut s’orienter en deuxième année de licence.  

  • Si l’étudiant n’a pas 60 ECTS et qu’il avait choisi la voie spécifique, « le grand danger est d’engorger la filière par des redoublements multiples, a prévenu le Pr Sibilia. Nous ne souhaitons pas que ce soit le cas, il n’y aura donc pas de redoublement possible. » L’étudiant devra passer à nouveau par Parcoursup pour s’orienter dans une autre filière.

Pour les étudiants ayant choisi la voie « licence », outre les 60 ECTS, ils doivent aussi avoir validé la mineure santé c'est-à-dire 10 ECTS, pour postuler à la filière MMOP.   

Instaurer des garde-fous  aux études de médecine

« Nous commençons à avoir des retours des universités, a indiqué le Pr Sibilia. Leurs propositions vont être très variées. Il n’y aura pas de modèle unanime. » Pas question pour autant pour la conférence des doyens de parler d’inégalité d’accès aux études de médecine mais plutôt « d’hétérogénéité en fonction de l’éco-système »

« Il y a néanmoins deux garde-fous aux études de médecine, a prévenu le Pr Annane. À la fin du cursus de médecine, tous les étudiants devront avoir les mêmes compétences. De même que la réforme ne doit en rien allonger la durée des études. Certes, nous voulons que nos futurs médecins aient une culture humaniste mais à la fin de leur étude, ils doivent être de bons docteurs. » Comment assurer ces garde-fous ? Par un contenu médico-technique scientifique avec des piliers fondamentaux de base dès la première année. 

Les représentants de la conférence des doyens se disent néanmoins inquiets car « le doyen est responsable de l’organisation et du résultat de la réforme et nous savons que si elle ne fonctionne pas, cela va se retourner contre nous », a reconnu le Pr Sibilia. Les modalités envisagées sont-elles faisables ? « Nous sommes partiellement rassurés par le texte réglementaire qui certes, laisse une liberté aux universités en termes d’organisation. Mais nous avons peu de temps pour mettre la réforme en place et nous sommes aussi inquiets concernant les moyens alloués. » Les changements sont nombreux : repenser la formation, mettre en place de TD, organiser des oraux pour l’admission.

Six millions d'euros ont déjà été débloqués, une somme jugée insuffisante par le Pr Sibilia.  

 

par Laure Martin