Résilience #3 / La résilience, le processus d’une vie

Comment tendre vers la résilience dans une période aussi tendue et inédite que celle de la crise sanitaire actuelle ? Dans le cadre du cycle de webinaires organisés par le Groupe Pasteur Mutualité, le Pr Corinne Isnard-Bagnis, néphrologue, s’entretiennent sur le thème de la reconstruction personnelle avec Erwan Deveze, consultant en neuromanagement.  Voici la synthèse des propos tenus au cours de l'épisode de ce cycle consacré à la résilience.

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Temps de lecture : 7 minutes

erwan deveze INT« La résilience, c’est initier un nouveau développement sur la base d’un trauma, entame Erwan Deveze. La résilience n’est ni l’oubli, ni la négation du trauma. Il s’agit au contraire de changer sa représentation mentale, ce que l’on pense de ce trauma pour parvenir à commencer un nouveau cycle de développement afin de ne plus être prisonnier du passé. » 

La résilience a pour base l’acceptation, non pas comme une forme de renoncement mais au contraire comme ″prendre acte″ d’une situation. « Avec la crise sanitaire du Covid par exemple, nous sommes face à un trauma, à une situation nouvelle qui a changé notre manière de travailler, d’échanger, de vivre, rappelle-t-il. Il faut donc réfléchir à comment intégrer cette situation pour initier une nouvelle phase de développement. »

Les différentes phases                                                                                       

La résilience se met en place en plusieurs temps. Lorsqu’une crise survient, il peut tout d’abord y avoir une phase de déni, ce qui s’est d’ailleurs passé lors de la crise sanitaire actuelle « jusqu’à ce que nous nous rendions compte qu’elle était importante, nous concernait et allait avoir une implication immédiate sur notre vie », rappelle Erwan Deveze.

Il poursuit : « Après ce moment où l’on est saisi, qui peut être difficile à vivre, vient le temps de l’affrontement. » La résilience arrive dans ce deuxième temps, le temps du rebond, post-affrontement, afin de s’interroger sur comment survivre à ce traumatisme, se réinventer, mettre en place des stratégies, comme le télétravail par exemple.

Le facteur temps est important, mais n’est pas simple à déterminer car « nous ne sommes pas tous égaux devant la résilience, fait savoir le consultant en neuromanagement. Nous allons tous réagir différemment face à un événement. Certaines personnes ont par exemple très bien vécue le confinement contrairement à d’autres. » Cette appréhension différente de la résilience est liée au fait que le processus répond à des interactions variées : une part de génétique, une part d’enfance, une part d’expérience. « Nous ne sommes pas tous égaux mais nous pouvons tous développer des processus de résilience, à notre rythme », soutient Erwan Deveze.

« Nous ne sommes pas tous égaux mais nous pouvons tous développer des processus de résilience, à notre rythme »

Être à l’écoute

Le processus de résilience amène à être à l’écoute de soi et de ses collaborateurs, sans entrer dans une dynamique de jugement. « Il faut y prêter attention car cela peut arriver vite, met en garde Erwan Deveze. D’autant plus actuellement, en situation économique tendue, avec la nécessité de tenir les objectifs. »

Les dirigeants et managers sont sous  pression pour rattraper le temps perdu, ce qui peut les inciter à brûler les étapes et surtout à appliquer un management indifférencié, le même pour tout le monde, « ce qui serait une erreur absolue, estime-il. Aujourd’hui, il faut personnaliser, être à l’écoute, avoir cette présence soutenante. » Il vaut mieux permettre à l’autre de décharger sa surcharge émotionnelle. Ce comportement permet à ses lobes frontaux de reprendre leur place dans le dispositif cérébral qui sera alors moins envahi. 

Se préparer tel un marathonien

Pour être en capacité de faire preuve de résilience, il faut se préparer comme un coureur de marathon. « Pour notre cerveau, il faut s’entraîner, faire du foncier, explique Erwan Deveze. Cela concerne notre mode de vie, l’épi-génétique, c'est-à-dire le sommeil, l’alimentation, la méditation, le rapport à l’autre, à la nature, l’activité physique. Tous ces éléments sont incontournables pour avoir un cerveau en bonne santé. »

Vient ensuite le temps de la course, lorsqu’on est confronté à une situation de crise. « Certains facteurs vont donc être favorables à la résilience, notamment ne pas rester seul, partager, écouter, tout en faisant attention à ne pas être dans la psychologisation excessive, alerte Erwan Deveze. Il faut rester dans une dynamique d’action et non de rumination, mais en se concentrant sur ce que nous pouvons réellement changer. » Il faut arrêter de monopoliser son énergie cérébrale sur des combats qui n’ont pas lieu d’être. Dans des moments de crise, cette énergie doit être économisée pour aller sur des actions précises, concrètes, réalisables. Il ne faut pas non plus hésiter à remplir le cerveau avec de jolies choses comme l’écriture, la peinture, la musique… « Ce sont de formidable tuteurs de résilience », précise Erwan Deveze.

Les dirigeants et managers sont sous  pression pour rattraper le temps perdu, ce qui peut les inciter à brûler les étapes et surtout à appliquer un management indifférencié, le même pour tout le monde, « ce qui serait une erreur absolue


Comment se sentir légitime de prendre du temps pour soi ? Pour les soignants, la question est fondamentale car « pour aider les autres, il faut être en capacité de pouvoir le faire, souligne-t-il. Si notre empathie affective est absorbée par la situation de l’autre et la misère de l’autre, on n’est plus en état de travailler. »

La fatigue physique peut altérer les capacités de chacun, d’où l’importance, en moment de crise, d’avoir une discipline personnelle stricte notamment sur le sommeil et sur l’exercice physique.

Un mécanisme apprenant

La résilience est un mécanisme apprenant, apaisant, structurant, soutenant, il s’agit du processus d’une vie. « Pour entamer et mettre au point des processus de résilience, il faut passer par cette étape d’acceptation, de préservation », souligne Erwan Deveze. Une personne résiliente va être plus forte, car elle va parvenir à mettre les événements en cohérence plus rapidement et à trouver du sens à tout, ce qui renforce et rend plus solide.

Une personne résiliente va être plus forte, car elle va parvenir à mettre les événements en cohérence plus rapidement et à trouver du sens à tout, ce qui renforce et rend plus solide.


« Mais il ne faut pas pour autant jouer les héros,
prévient Erwan Deveze. Chacun met en route le processus à sa vitesse, avec sa force du moment, et à son rythme. » Et de conclure : « Il faut avoir un état d’esprit d’apprenant, apprendre sur soi, sur les autres et se débarrasser de nos avis de sachants, de nos croyances militantes. Notre cerveau se développe en permanence, se transforme et nous avons un rôle à jouer de tous les instants en particulier par rapport à notre mode de vie. »

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