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Expertise judiciaire : le rôle clef des médecins pour éclairer les magistrats

Que ce soit lors d’une procédure civile ou pénale, lorsqu’un magistrat ne dispose pas de suffisamment d’éléments pour statuer, il peut ordonner une expertise judiciaire. Celle-ci peut-être menée dans de multiples secteurs, dont le domaine médical. Le point avec le Dr Mary-Hélène Bernard, présidente de la Compagnie nationale des experts médecins de justice (CNEMJ)

Par Laure Martin

LaureMartin

 

BERNARD MH

Qu’est-ce que l’expertise judiciaire ?

C’est une expertise effectuée à la demande de la justice. L’expert est généralement choisi sur une liste d’experts judiciaires dressée par spécialités et selon une certaine nomenclature au niveau de chaque cour d’appel. Il existe également une liste nationale d’experts agréés par la Cour de cassation.

Dans la justice française, l’expert judiciaire doit être compétent et indépendant : c’est l’expert du juge dont il est en quelque sorte le « bras droit », à la différence de la justice anglo-saxonne où l’expert est celui des parties. Impossible pour l’expert judiciaire français d’avoir des conflits d’intérêts avec les acteurs du procès, ce qui explique la délocalisation de certaines expertises.

 Comment une expertise judiciaire est-elle déclenchée ?  

Une expertise judiciaire civile ou pénale est demandée par un juge lorsqu’il a besoin d’un avis technique dans un domaine qu’il ne maîtrise pas, tel que la médecine.

Dans le domaine médical, les experts peuvent être missionnés pour évaluer la responsabilité de tel ou tel dans la survenue d’un dommage, pour fixer la gravité d’un préjudice.

Les experts psychiatres sont régulièrement sollicités pour apprécier la capacité de discernement d’un individu au moment des faits ou la dangerosité potentielle d’un individu.

Toujours dans le domaine médical, il y a également un important volet pénal qui concerne les « coups et blessures » et les « morts violentes » : pour évaluer ces situations, la circulaire du 27 décembre 2010 relative à la mise en œuvre de la réforme de la médecine légale a modifié l’organisation de la médecine légale avec la création des centres médico-légaux afin de gérer les réquisitions, dans les unités médico-judiciaires (UMJ) pour déterminer la gravité des blessures et dans les Instituts médico-légaux (IML) pour déterminer les causes des morts suspectes.

Comment un médecin peut-il devenir expert judiciaire ? 

Des précisions modifiant le statut de l’expert judiciaire ont été apportées par le décret du 23 décembre 2004. Pour être inscrit sur une liste d’experts près d’une cour d’appel, le professionnel doit en faire la demande auprès du procureur de la République avant le 1er mars de chaque année. Il devra notamment préciser sa compétence, sa formation, fournir un extrait de casier judiciaire, et affirmer sa motivation pour devenir expert.

Le nouvel expert est inscrit pour trois ans sur une liste « probatoire » et doit prêter serment au cours d’une audience solennelle à la Cour d’appel. Au terme de ces trois années, l’expert probatoire peut devenir titulaire pour une période de cinq ans renouvelable. Il doit alors poursuivre ses obligations de formation continue au cours de réunions, de colloques ou de congrès.

Le fait d’être expert judiciaire ne constitue en rien un métier, il s’agit d’une activité menée en parallèle à l’exercice professionnel.

Cette fonction d’expertise est-elle rémunérée ?  

Au civil, c’est la partie à l’origine de la demande qui verse la consignation correspondant au montant de l’expertise. L’expert débute ses opérations d’expertise après le versement de cette consignation pour être assuré d’être réglé quelles que soient ses conclusions.

Au pénal, c’est le Trésor public, donc l’État qui se charge de la rémunération de l’expert, actuellement gérée en ligne par la justice sur un site dédié, le portail « chorus ».

Il existe également des médecins conseils qui réalisent des expertises pour le compte des compagnies d’assurances, permettant de régler de façon amiable la majorité des dossiers médicaux ou encore des médecins conseillant les victimes aussi appelés médecins de recours.

Existe-t-il d’autres types d’expertises auxquelles les médecins peuvent prendre part ?  

La loi du 4 mars 2002 a créé un dispositif amiable, rapide et gratuit de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux consécutifs à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins. Ce dispositif repose sur les Commissions de conciliation et d'indemnisation (CCI), en lien avec l’Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam) et sollicitant des médecins experts. Il permet en particulier la réparation d’accidents médicaux non fautifs alors que ce n’était pas possible dans le dispositif judiciaire. Ces commissions rendent des avis administratifs et non des jugements.

Il existe également des médecins conseils qui réalisent des expertises pour le compte des compagnies d’assurances, permettant de régler de façon amiable la majorité des dossiers médicaux ou encore des médecins conseillant les victimes aussi appelés médecins de recours.

Pour compléter la lecture :

La médecine légale loin des clichés des séries policières

 

par Laure Martin