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Les maisons Athos pour lutter contre le stress post traumatique des militaires 

Sortir une pizza du congélateur, remplir sa déclaration d’impôts… les actes simples de la vie quotidienne peuvent devenir insurmontables pour les militaires blessés en opération qui souffrent de troubles psychiquesLes maisons Athos ont vocation, en complément des programmes de soins, à les aider à se réinsérer.Deux premières maisons Athos viennent d’ouvrir leurs portes. 

 Par Laurent Joyeux

LaurentJoyeux

Pour un militaire, la blessure est inhérente au métier, ce n’est pas un accident du travail.Tout un réseau de solidarité accompagne les blessés et leurs familles : leurs unités d’origine, les hôpitaux militaires, l’institution des Invalides, l’Agence de reconversion de la défense (ARD) dénommée Défense et Mobilité, l’ensemble des associations… Dans son 13e rapport publié en 2019, le Haut Comité d'Évaluation de la Condition militaire recense 589 militaires blessés par arme à feux (42 cas en 2019) et 2 800 cas de troubles psychiques liés à un évènement traumatisant (231 nouveaux cas en 2019). Les maisons Athos s’inscrivent dans un ensemble de mesures récentes qui visent à simplifier les étapes de la réparation des blessés, accompagner leurs familles et les aider à la réinsertion.

Les maisons Athos

Parce que la blessure psychique n’a pas la même temporalité que la blessure physique, avec un diagnostic plus tardif, les maisons Athos correspondent à un besoin confirmé par les psychiatres pour une prise en charge plus globale. Leur action est bien différenciée du temps hospitalier. Début janvier, deux premières maisons ont ouvert leurs portessous le pilotage de l’état-major de l’armée de Terre.À Cambes (33) et à Toulon (83), elles accueillent les blessés psychiques des trois armées et de la gendarmerie.

Le 15 janvier dernier, le point presse du ministère des Armées a détaillé la mise en œuvre du projet.Le commissaire général Christophe Daurel, chef du groupe de travail ministériel du projet Athos, Renaud Ferrand, directeur général de l’Institution de gestion sociale des armées (Igesa), et le médecin en chef Xavier Desruelles, conseiller santé du chef d'état-major de l'armée de Terre (Cemat) ont présenté les moyens et objectifs des maisons Athos.

Une approche régalienne

Pour le commissaire général Christophe Daurel, il faut aller plus loin dans l’accompagnement des blessés psychiques «  Mon mandat consiste à favoriser une bonne réadaptation psychosociale. Cela nécessite de poursuivre la réflexion sur la réhabilitation des blessés psychiques. Athos est une approche régalienne, un devoir de la Nation  ». Les maisons Athos proposent une approche globale des soins et de la réhabilitation. « Il s’agit d’une offre complémentaire à l’ensemble des environnements non médicalisés.Un programme adapté à la singularité du militaire et de son environnement.  »

Les maisons Athos fonctionnent sur la base du volontariat. Elles sont cogérées par les blessés – appelés «  les membres  » – et l’encadrement. Le programme est progressif et s’adapte à la vision du blessé sur sa réhabilitation. « Le projet d’établissement des maison Athos est un document cadre, une boîte à outils, ajoute-t-il, pragmatique.Des outils au service de la vie relationnelle du blessé sous tous ses aspects : bien-être, vies personnelle, affective et citoyenne, gestion administrative, emploi et autonomie. » 

Le projet d’établissement des maison Athos est un document cadre, une boîte à outils [...] au service de la vie relationnelle du blessé sous tous ses aspects : bien-être, vies personnelle, affective et citoyenne, gestion administrative, emploi et autonomie. Christophe Daurel

Un encadrement mixte militaire et civil

Les équipes d’encadrements sont mixtes, civiles et militaires. Elles comprennent un directeur, un coordinateuret plusieurs accompagnateurs qui peuvent suivre 30 membres. Un comité de suivi et de surveillance externe constitué de praticiens du ministère et du monde civil, porte un nécessaire regard externe sur le dispositif et le fonctionnement des maisons.

Athos est un projet global en partenariat avec l’action sociale des armées et les associations d’entraide et d’anciens combattants. «  Celles-ci peuvent retrouver des blessés qui auraient échappé au scope du ministère  », conclut-il.

L’Igesa pour le gîte et le couvert

L’Igesa gère les établissements sociaux et médico-sociaux des armées pour 270 000 militaires, gendarmes et leurs familles. Son Directeur généralRenaud Ferrand,précise le rôle que va jouer cetétablissement public.«  Notre contribution aux maisons Athos est encadrée par une convention signée en octobre 2020 sous le contrôle du ministère des Armées. Nous assurons le clos et le couvert, les infrastructures et l’aménagement des maisons. Nous recrutons les équipes et nous dotons les maisons pour recourir aux prestataires  ».

Une admission de droit ou sur commission selon les cas 

« Tous les blessés suivis par le Service de santé des armées (SSA) pourront accéder aux maisons Athos. Le SSA est d’ailleurs partenaire du projet. Il a participé au recrutement et à la formation des équipes. Ses psychiatres assurent une formation continue pour ces nouveaux professionnels du monde socialexplique Xavier Duruelle. Les maisons souhaitent accueillir un maximum de blessés psychiques : en activité, en longue durée de maladie ou rayés des cadres, d’où l’intérêt des associations  ».

Rappelantle rôle clé des Commissions multidisciplinaires des blessés en service (CMBS) auxquelles les directeurs des maisons Athos seront associés, il précise « Les dossiers présentés par l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) seront étudiés en commission par le CMBS et le degré d’autonomie évalué ». 

Pas de modélisation générale pour le type d’hébergement

L’accueil des maisons est souple, il s’adaptera en fonction de chaque blessé. Il n’y a pas de modélisation générale du séjour. En Gironde, les membres sont logés sur place dans un gîte privé. À Toulon en revanche, les bâtiments sont sur une base militaire et c’est l’Igesa qui gère l’hébergement« La capacité d’accueil d’une maison est de 15 membres en instantané. Un accompagnateur suivra trente blessés, nous visons trois accompagnateurs par maison. Ipourrait donc y avoir 90 membres par maison » précise X. Duruelle.Les familles rendront visite aux membres mais ne seront pas logées sur place. 

Quelle est l’ambition des maisons Athos et le type d’accompagnement proposé ? 

« Quand un militaire blessé psy accepte de franchir le seuil du service de psychiatrie, il accepte un parcours aléatoire, avec des hauts et des bas. Tout dépend de lui. La base du volontariat respecte sa décision», explique X. Duruelle. 

Dans la maison Athos, l’accompagnateur va aider le membre à définir ses besoins pour établir son propre parcours de reconstruction : sortir chercher son pain ou remplir une déclarationLes maisons vont briser un isolement, une solitude. Pour retrouver une autonomie dans la vie quotidienne, préparer les repas ensemble ou cogérer les maisons, sont des actions très importantes.La chaleur des moments de partageest bénéfique en elle-même. 

Dans la maison Athos, l’accompagnateur va aider le membre à définir ses besoins pour établir son propre parcours de reconstruction[...] Pour retrouver une autonomie dans la vie quotidienne, préparer les repas ensemble ou cogérer les maisons sont des actions très importantes. Xavier Desruelle

Un projet optimiste

Les acteurs du projet Athos s'annoncent optimistes.« À terme, nous voulons un maillage territorial des maisons Athos et des maisons de proximité.» Les blessés psychiques peuvent dès à présent venir passer une ou deux journées dans une des maisons pour voir ce qu’elles proposent. Ils peuvent rencontrer les équipes d’encadrement.« Deux ont déjà signé ! Le bouche-à-oreille commence à fonctionner. » conclut Xavier Desruelles.

 

 Ce qui existe déjà

  • Un avion Falcon est constamment en alerte, à moins de trois heures de vol des lieux d’opérations militaires. L’équipage est prêt à évacuer, donner les premiers soins et rapatrier les blessés.
  • Les blessés sont pris en charge par le Service de santé des armées dont les effectifs comptent plus de 14500 soignants, médecins, infirmiers, professions. paramédicales et administratifs. À ces chiffres s’ajoutent près de 3000 réservistes professionnels de santé. 
  • Les blessés en service ont accès à des postes de fonction publique de catégorie A, B et C ; 
  • Les familles des blessés sont prises en charge pendant la durée de leur l’hospitalisation (6 personnes pendant 8 semaines) ; 
  • L’Agence de reconversion de la défense est chargée d’aider les personnels à se réinsérer dans le secteur privé. Les conjoints des blessés peuvent bénéficier de ce service pendant 10 ans ou jusqu’aux 18 ans du premier enfant ; 
  • La maison numérique des blessés et familles vise à simplifier les démarches administratives des militaires blessés pendant toute leur vie. 
par Laurent Joyeux