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Virage ambulatoire sur la carte de l’Assurance maladie

L’Assurance maladie a analysé l’évolution de ses dépenses entre 2012 et 2015 et mis en valeur les transformations en cours du système de soins.

C’est au travers des données de remboursements et des données hospitalières que l’Assurance maladie reconstitue chaque année depuis 2012 une cartographie des pathologies et des traitements les plus fréquents ainsi que des coûts qui leur sont associés. « L’objectif est d’objectiver les dépenses mobilisées pour la prise en charge des patients pathologie par pathologie, explique le Pr Luc Barret, médecin conseil national de la CNAMTS. Cela va permettre d’identifier les leviers de la maitrise des dépenses ».

Répartition des dépenses

En 2015, 20 millions de personnes sur les 57 millions d’assurés du régime général ont eu recours à des soins témoignant de l’existence d’une pathologie spécifique, fréquemment chronique, ou de la prise au long cours d’un traitement médicamenteux.

« Nous avons repéré 56 pathologies principales et nous sommes allés regarder les dépenses affectée à chacune, explique le Dr Ayden Tajahmady, directeur adjoint de la direction de la stratégie, des études et de la statistique de la CNAMTS. Ce sont 27 postes de dépenses qui ont été prises en compte en ville (soins médicaux, infirmiers, médicaments, …) et à l’hôpital ainsi que les indemnités journalières pour arrêts de travail et pensions d’invalidité ».

Les hospitalisations ponctuelles ont concerné 7,8 millions de personnes et les séjours pour maternité 1,3 millions de femmes. Les pathologies les plus fréquentes sont les traitements du risque vasculaire (7,5 millions de patients), les traitements psychotropes (5,3 millions), les maladies cardiovasculaires (3,7 millions), le diabète, (3,1 millions), les maladies respiratoires chroniques (3 millions) et les cancers (2,5 millions). Les hospitalisations ponctuelles ont coûté 30,7 milliards d’euros en 2015 et les séjours pour maternité 7,8 milliards. Les autres dépenses sont dans l’ordre : les maladies psychiatriques (19,3 milliards d’euros), les cancers (14,1 milliards), les maladies cardiovasculaires (13,2 milliards), le diabète (6,8 milliards), les maladies neurologiques ou dégénératives (5,5 milliards), le traitement du risque vasculaire (5 milliards) et l’insuffisance rénale chronique terminale (3,4 milliards d’euros).

Début du virage ambulatoire

Des évolutions depuis 2012 ont ainsi pu être observées dont « certaines dynamiques pourraient d’expliquer par le début du virage ambulatoire », selon Christelle Gastaldi-Ménager, du département des études sur les pathologies et les patients. C’est ce qu’on peut, par exemple, observer pour les maladies cardiovasculaires. Elles touchaient en 2015 3,8 millions de personnes pour un coût de 13 milliards d’euros dont 10 milliards pour les malades chroniques. La dépense moyenne remboursée est de 3500 euros par an et par personne et peut monter à 10 000 euros pour les patients connaissant des phases aigue. Parmi elles, la maladie coronaire chronique présente la particularité de voir ses effectifs augmenter de 2,5% entre 2012 et 2015 mais son coût moyen diminuer de 2,7% sur la même période. « Cela peut s’expliquer par l’impact des baisses de prix de médicaments mais également par le tournant ambulatoire » estime Christelle Gastaldi-Ménager.

En effet, pour la maladie coronaire chronique, le coût moyen annuel des séjours en hospitalisation est passé de 461 euros par an et par patient en 2012 à 437 en 2015, tandis que celui des soins infirmiers à domicile est monté de 88 à 100 euros sur cette période. Le coût des médicaments a diminué pour sa part de 678 euros par an et par personne en 2012 à 503 euros en 2015. L’analyse des dépenses pour les cancers actifs montre une autre évolution, cette fois d’ordre thérapeutique. En effet, la dépense moyenne pour les patients atteints d’un cancer est passée de 11 288 euros en 2012 à 12 035 en 2015. Le coût des médicaments délivrés en ville a diminué de 1542 euros en 2012 à 1420 euros en 2015, alors que celui des produits délivrés à l’hôpital via la liste en sus est passé de 1985 à 2502 euros.

A la lumière de ces résultats et des prévisions démographique de l’INSEE, l’Assurance maladie a également tracé des projections sur la période de 2016/2020. Elle a ainsi calculé que d’ici 2020, 580 000 personnes supplémentaires auront une nouvelle pathologie ou traitement un long cours ou encore seront hospitalisées ponctuellement. Pour le diabète, ce sont 455 000 malades de plus qui sont attendus et pour les maladies cardiovasculaires 604 000. « C’est une vision très médicalisée de la question, souligne le Pr Barret. On voit que la tension persiste sur l’évolution des dépenses de santé ». Des données qui ont permis à l’Assurance maladie d’élaborer ses traditionnelles pistes d’économies qu’elle va proposer au gouvernement d’ici la mi-juillet. Le président de la République avait annoncé dans son programme que les dépenses d’assurance maladie ne pourront pas augmenter de plus de 2,3% par an, pendant le quinquennat, mais a également promis un plan d’investissement de 5 milliards d’euros pour l’hôpital public.

Déserts médicaux : une cartographie interactive
Avec 290 974 praticiens, la France n’a jamais compté autant de médecins sur le territoire. Mais leur répartition sur le territoire n’est toujours pas plus harmonieuse. C’est ce que révèle la dernière cartographie, établie chaque année par le Conseil national de l’Ordre des médecins. Un outil désormais présenté en ligne sur http://demographie.medecin.fr et interactif. « Il est mis à disposition de tous, précise le Dr Patrick Bouet, président de l’Ordre national des médecins. Cette nouvelle version permet d’avoir une vision qui soit la plus proche des territoires et mettre de construire des projets médicaux. Nous avons la volonté de montrer que la profession est capable de se réorganiser elle-même ». L’Ordre cite notamment l’exemple de la Maison de santé pluridisciplinaire de la montagne limousine, à cheval entre la Creuse et la Corrèze, et qui est un regroupement virtuel de trois cabinets de médecine générale. « Cela montre que même dans des départements où la densité médicale est en chute, on peut faire augmenter les effectifs à l’échelon de l’intercommunalité grâce à des projets médicaux » souligne le Dr Jean-Michel Mourgues, président de la section santé publique et démographie médicale de l’Ordre. Pour lutter contre les déserts médicaux, la numérisation de la santé doit être une priorité du gouvernement, estime le CNOM. Une nouvelle version complète de ses Atlas régionaux de la démographie médicale est attendue pour l’automne prochain. La densité des médecins est passée de 224,5 médecins en activité régulière pour 100 000 patients en 2010 à 230,3 en 2017.

par Véronique Hunsinger