(c) Burger-Phanie

À Nîmes et Tours, les CHU expérimentent  les hôtels hospitaliers

41 établissements hospitaliers ont été sélectionnés en juillet 2017 pour participer à une expérimentation sur les hôtels hospitaliers. Quels sont les avantages et inconvénients de cette offre d'hébergement  particulièrement adaptée aux patients en ambulatoire ?

Par Laure Martin.

LaureMartin

 

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 a prévu, dans son article 53, la possibilité pour les établissements hospitaliers de proposer à leurs patients une prestation d'hébergement temporaire non médicalisée, en amont ou en aval de leur hospitalisation. Un arrêté du 2 février 2017 a permis un appel à projet de cette expérimentation des hôtels hospitaliers. Quarante-et-un établissements ont été sélectionnés en juillet 2017 pour participer à cette expérimentation d’une durée de trois ans, à l’initiative de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), rattachée au ministère de la Santé, et financée par le Fonds d’intervention régionale (FIR) à hauteur de 1,1 million d’euros par an.

Pertinence de la prise en charge

Le CHU de Nîmes fait partie des établissements expérimentateurs car « nous sommes convaincus que d’offrir une nuit en hôtel hospitalier peut apporter un vrai plus à la prise en charge des patients », souligne Marie Chardeau, directrice en charge du projet. Plusieurs patients sont ciblés : ceux pour lesquels il est difficile d’envisager un aller-retour dans la journée ou une sortie en ambulatoire du fait de l’éloignement géographique ou de l’isolement, ceux qui sont fatigués en raison de leur traitement et qui doivent venir plusieurs fois par semaine à l’hôpital. Avant de se lancer dans l’expérimentation, le CHU a mené une enquête auprès de patients en hospitalisation complète au sein de tous les services afin d’analyser si leurs nuits étaient ou non transférables à l’hôtel hospitalier. « Nous avons constaté qu’il était possible d’avoir un gain par exemple sur la nuit qui précède la chirurgie, car des patients sont parfois hospitalisés la veille sans en avoir nécessairement besoin », explique Marie Chardeau. Idem pour l’ambulatoire ou encore pour les séjours itératifs c'est-à-dire pour les patients qui doivent venir trois à quatre fois dans la semaine, notamment pour les prises en charge du cancer. Outre le confort pour le patient, c’est un avantage également pour l’Assurance maladie puisque les coûts de transport s’en trouvent amoindris.

Au CHRU de Tours, la réflexion autour des hôtels hospitaliers était en cours depuis une dizaine d’années et demandé par les médecins. Avec le virage ambulatoire et le raccourcissement de l’épisode hospitalier, ils ont souhaité pouvoir proposer à leurs patients des solutions alternatives à l’hospitalisation. « Les hôtels hospitaliers permettent d’élargir l’offre ambulatoire », indique Thibault Bouchenoire, directeur des Projets, référent sur la mise en place de l’hôtel hospitalier au CHRU de Tours. Et d’ajouter : « Certaines nuits d’hospitalisation sont également d’une pertinence contestable notamment lorsque des patients viennent la veille d’une intervention ou lorsque les séjours s’allongent. » L’hôtel hospitalier offre ainsi au patient un meilleur confort tout en offrant aux établissements qui l’ont mis en place une optimisation de leur capacité en lits en permettant des nuitées plus pertinentes et une hospitalisation à J-0.

Des structures d’accueil variées

Le CHRU de Tours a contractualisé avec deux hôtels privés afin de proposer une offre pour ses deux sites. « Nous leur avons expliqué le cahier des charges, similaire à celui déjà proposé par l’hôtel, fait savoir Thibault Bouchenoire. Pour eux, les patients sont des clients lambda, à la différence qu’ils ont des normes alimentaires à respecter et une gestion des transports à assurer. » L’hôtel souhaitant être informé à l’avance, le CHRU a donc inclus un système de réservation dans son logiciel de programmation. Le CHU de Nîmes n’a pas non plus construit de structure mais signé une convention avec l’association Maison des parents située à proximité de l’hôpital pour que leurs chambres servent aussi d’hôtels hospitaliers. « C’est très classique comme modèle, souligne Marie Chardeau. Cette association à but non lucratif, qui applique des tarifs bas, propose une structure familiale et sympathique, ce qui nous a plu. »

Pour les deux hôtels privés qui proposent un hébergement hospitalier à Tours, les patients sont des clients lambda, à la différence qu’ils ont des normes alimentaires à respecter et une gestion des transports à assurer.


L’expérimentation a prévu la possibilité de laisser un reste à charge (RAC) au patient à hauteur du forfait journalier, de 18 euros par jour. « Souvent la complémentaire prend en charge le RAC, ce qui nous laissait la possibilité de le faire peser sur le patient, indique Marie Chardeau. Nous n’avons pas fait ce choix et préféré que le CHU rembourse 100 % du coût de la nuité à la Maison des parents. » Et d’expliquer : « Nous ne voulions pas que cette somme soit un frein au choix des patients de dormir ou non au sein de l’hôtel hospitalier et que, de fait, l’expérimentation soit biaisée par un motif financier. » Les patients ne déboursent rien non plus au CHRU de Tours. « Nous voudrions que le RAC soit imputé aux mutuelles et non aux patients car ce n’est pas cohérent par rapport à notre offre, rapporte Thibault Bouchenoire. Les discussions avec les mutuelles ont avancé mais rien n’est formalisé sur la somme. C’est donc l’établissement qui prend en charge la nuitée, le transport entre l’établissement et l’hôtel ainsi que les repas. » Seuls les frais de repas de l’accompagnant sont à leur charge.

Une grille d’éligibilité à respecter

Le recours à l’hôtel hospitalier repose sur des critères d’inclusion. Le CHU de Nîmes a transmis les critères d’éligibilité de la Haute autorité de santé (HAS) aux médecins de l’établissement. « Si le médecin estime que l’hôtel hospitalier peut être proposé au patient afin d’éviter une nuit à l’hôpital, il le fait », explique Marie Chardeau. Le patient, qui doit être autonome, ne pas avoir besoin de soins, de surveillance et ne pas avoir de troubles psychiques, doit consentir via un formulaire. « Dans notre parcours, c’est principalement le médecin qui lui propose car il doit juger de l’état de santé du patient, poursuit-elle. L’objectif est de ne jamais avoir de problèmes de santé dans cette structure. Il faut considérer que le patient est dans le même état qu’à son domicile et qu’il n’a besoin d’aucune surveillance soignante ou paramédicale. » Pour l’intégration des patients, le CHRU de Tours s’appuie sur les médecins, mais aussi sur les cadres, les infirmiers de programmation et les secrétaires médicales qui échangent dans les services et vont avoir tendance à inciter pour libérer des lits. Mais le médecin est toujours le décideur. Certaines demandes émanent des patients. Depuis juillet 2018, 292 patients ont bénéficiés de l’expérimentation pour 310 nuitées. Quasi tous les services y ont eu recours au moins une fois mais les services les plus pourvoyeurs sont la gynécologie entrainant une réduction des délais de prise en charge avec l’élargissement de l’offre ambulatoire, l’ambulatoire (ORL, ophtalmologie et urologie) et la cancérologie qui débute. Sur le deuxième site du CHRU, les services de chirurgie vasculaire et la cardiologie y ont souvent recours.

Vers une généralisation ?

« Avec 292 patients, nous sommes en-dessous des cibles fixées car nous avons sous-estimés le travail à produire sur les chemins cliniques et le parcours patient, reconnaît Thibault Bouchenoire. Les médecins étaient très en attente mais lorsqu’il s’agit de l’intégrer à des parcours, c’est plus complexe. C’est une conduite au changement, médecins, patients et pathologies dépendant. » Les médecins sont très porteurs car ils savent que c’est le sens de l’histoire de réduire les séjours hospitaliers et de proposer une alternative hospitalière mais il est complexe de revenir sur les organisations. « C’est difficile à faire passer dans les mœurs, pointe du doigt Marie Chardeau. Notre corps médical oublie de le proposer malgré les relances. Néanmoins, l’ambulatoire y a souvent recours, notamment pour l’opération de la cataracte. » Le retour des patients est positif car « la Maison des parents est plus sereine et apaisante que l’hôpital, les patients arrivent d’ailleurs mieux disposés pour leurs soins à l’hôpital », indique Marie Chardeau qui précise que certains patients se demandent néanmoins pourquoi ils ne resteraient pas chez eux finalement. Cela relève de la communication et de la pédagogie.  A l’issue de l’expérimentation, qui va durer encore un an et demi, il sera décidé si les hôtels hospitaliers entrent dans le droit commun avec une tarification pour les hôpitaux. « Si ce n’est pas nationalisé, il sera très difficile de le financer, fait savoir Thibault Bouchenoire. Il va également être compliqué de demander aux services déjà impliqués de faire marche arrière car cela a boosté l’offre ambulatoire. Donc fondamentalement, si ce n’est pas nationalisé, on devra se poser la question au niveau de chaque établissement, mais financièrement, je ne sais pas comment nous ferons. »

 

Un modèle de financement à revoir ?

Annaïg Durand, responsable du département Virage ambulatoire / Parcours au sein de la Direction de l’offre de soins à l’Agence régionale de santé (ARS) Ile-de-France

« En Ile-de-France, nous avons offert un accompagnement important aux établissements de soins concernant les hôtels hospitaliers, avant même que le projet ne soit développé à l’échelle nationale. Dès 2012, à la demande des professionnels, nous avons mis en place un groupe de travail pour valider l’opportunité et le potentiel de développement de la prise en charge des patients dans un cadre non médical mais proche de l’hôpital avec les hôtels hospitaliers. Les travaux ont permis de définir les critères d’évaluation et le potentiel d’activité envisageable. Une enquête a même révélé que 30 % des patients pouvaient relever de cette prise en charge. Nous avons effectué une première modélisation de ce que pouvait être un hôtel hospitalier et avons lancé un appel à projet régional. Cinq établissements ont été retenus. Entre temps, la loi de financement de la sécurité sociale de 2015 et l’appel à projet national ont été publiés.
Désormais huit établissements d’Ile-de-France font partie de l’expérimentation nationale. Nous maintenons des réunions à l’échelle régionale pour obtenir les retours des huit établissements en termes d’intérêt, de freins et de leviers. Tous notent l’intérêt de développer cette offre pour les patients. D’ailleurs, lorsqu’ils ont conclu des conventions avec des Maisons des familles, le dispositif fonctionne bien. En revanche, l’Ile-de-France fait face à une particularité : les tarifs élevés des établissements hôteliers. De fait, le coût d’une telle offre est trop élevé pour les hôpitaux parisiens. D’autant plus qu’en orientant les patients vers les hôtels, ils réduisent leur durée de séjour. Ils s’en trouvent perdant financièrement. Cela interroge donc le modèle de financement qu’il faudrait appliquer aux hôtels hospitaliers. En Ile-de-France, les hôpitaux ayant un projet immobilier devraient y intégrer un projet hôtelier, quitte à le faire gérer par un tiers. Enfin, pour privilégier le recours aux hôtels hospitaliers, il faut penser à l’acculturation des professionnels de santé et aux changements organisationnels globaux au sein de l’hôpital. »

par Laure Martin