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Maladies infectieuses en lien avec l'environnement

Les très nombreux aspects qui touchent à l’environnement rendent compte de modifications des pathologies infectieuses. Anticiper pour mieux prendre en charge est donc essentiel, agir sur les divers facteurs responsables d’effets négatifs sur notre environnement fondamental. Source fréquente d’inquiétude pour les populations, ces risques infectieux émergents doivent sans doute être appréhendés dans nos sociétés modernes avec méthode, souplesse, dans un calme médiatique, à l’instar de ce que sont devenues les prévisions météorologiques.

Par François Bricaire PU-PH service des Maladies Infectieuses et Tropicales, Hôpital de la Pitié Salpêtrière (Paris 15e) et France Wallet, MD, PhD, Service des Etudes Médicales, EDF (Paris 17e) - Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. & Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

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L’épidémie de Covid-19 a montré l’importance de prendre en compte l’approche « One Health » avec l’environnement dans lequel l’homme évolue en particulier les conditions climatiques, le monde animal qu’il côtoie, les microorganismes présents...

Un bref historique

Depuis toujours les êtres vivants sont soumis à l’agression d’agents infectieux qu’il s’agisse de bactéries ou de virus, de parasites ou de champignons. Ces agressions quoi que l’on fasse perdurent et perdureront, pour une raison simple : les agents infectieux sont des êtres vivants, qui ont un objectif survivre, quels que soient les moyens mis en place pour lutter contre eux. Si pendant très longtemps les infectiologues ont conçu les maladies infectieuses comme la résultante du combat entre l’hôte et l’agresseur, il est aujourd’hui admis qu’au-delà de ce duel existe un troisième élément, fondamental, trop longtemps négligé : l’environnement au sens large du terme (Bricaire, 2009).

Peut-on prédire l’émergence d’une maladie infectieuse ?

L’émergence d’une maladie infectieuse sera la résultante de modifications sans doute complexes et multiples mais qui aboutissent principalement à des modifications portant sur les trois éléments précédemment évoqués : l’hôte (l’homme), les micro-organismes (bactérie, virus…), l’environnement (incluant les réservoirs animaux et les vecteurs transmetteurs).

On conçoit la complexité qui préside à l’émergence d’un phénomène infectieux et donc l’imprévisibilité très grande qui en découle. Ceci doit obliger à la modestie d’abord, à devoir s’organiser ensuite pour faire au mieux dans ce prévisionnel : gérer les moyens d’action et de lutte, réduire au maximum les conséquences d’une épidémie et répondre aux exigences d’une société moderne qui tolère mal les insuffisances de la science domaine. Approcher au mieux tout ce qui tourne autour de l’émergence est donc essentiel (Desenclos, 2005).

Les facteurs d’émergence

Les principaux facteurs d’émergence connus à ce jour sont :

- Les activités humaines - Les exemples sont nombreux en commençant par les pratiques agricoles, les changements démographiques et sociétaux et notamment l’augmentation de la population urbaine et les déplacements humains :

  • Les pratiques agricoles au sens large sont des sources d’émergence de pathogènes (Buisson, 2008) : déforestation, moyen de production, conditions d’élevage, conditionnement des produits, etc. L’émergence de l’ulcère de Buruli en Guyane française en est un exemple (Morris, 2016) ;
  • La rapidité des transports dans une société mondialisée facilitent les implantations d’agents infectieux partout dans le monde ;
  • L’exode rural et l’urbanisation (McMichael, 2000), les migrations, conséquence de conflits, de guerres ou de catastrophes naturelles favorisent les contacts humains et animaux donc l’émergence et la transmission d’agents infectieux.

- Les conditions sanitaires et les systèmes de santé : les règles d’hygiène, l’organisation des systèmes de soins en fonction des régions, des possibilités ou des volontés politiques des pays, l’accès aux vaccinations, aux possibilités de traitement module le risque infectieux et les capacités de réactivité à l’encontre du phénomène épidémique. L’infection de 2014-2015 à virus Ebola en Afrique de l’Ouest a illustré parfaitement les insuffisances des systèmes de soins des pays concernés (Guinée-Libéria – Sierra Léone) (Jacobsen 2016).

- La plasticité des agents infectieux leur permettent une constante adaptation (phénomène de résistance, de pathogénicité, de meilleure adaptation au vecteur), déterminée le plus souvent par des facteurs environnementaux. Le phénomène de l’antibiorésistance en est une des manifestations inquiétantes notamment pour la thérapeutique (WHO, 2014). Même si de nouvelles voies de traitement sont en cours de recherche (Cal, 2017), l’arrivée en 2016 de cas de de bactérie ultrarésistante aux USA est inquiétante (McGann, 2016). Le rapport Carlet de 2015 (Carlet & Le Coz, 2015), a été le point de départ de la feuille de route interministérielle de maîtrise de l’antibiorésistance.

- Les variations climatologiques telles que les modifications de la température, de l’humidité, des vents, les événements extrêmes, l’ensemble de la végétation et de façon générale les paysages, favorisent les variations épidémiologiques des Maladies Infectieuses, leur émergence, leur expression, leur gravité, leur possibilité évolutive etc. Le réchauffement est un élément fondamental source de modifications dans la multiplication des germes, l’implantation ou la disparition d’autres, directement ou par des variations des réservoirs animaux ou des vecteurs de transmission (Escobar, 2016 ; Rossati, 2016). De nombreux exemples de maladies parasitaires sensibles aux paramètres climatiques existent avec évolution de leur extension géographique (paludisme, filariose, leptospirose…).

- La vulnérabilité de l’hôte. Des interactions fortes existent entre contacts infectieux, propriétés de l’agent et vulnérabilité de l’hôte dont la place est encore mal connue. L’importance du microbiote (Bloomfield, 2016 ; Cammarota, 2017) ou de la pollution atmosphérique (Comunian, 2020) commence à émerger.

On peut encore ajouter à cette liste incomplète, le risque induit par la possibilité d’actes terroristes : si ce risque bio terroriste est sans doute faible, il existe et doit être pris en compte dans notre environnement politique.

L’analyse de ces facteurs montrent bien l’importance du rôle de l’environnement et la responsabilité de l’homme en particulier dans l’extension d’un risque infectieux émergent.

Références

1) Bloomfield SF, Rook GA, Scott EA, Shanahan F, Stanwell-Smith R, Turner P. Time to abandon the hygiene hypothesis: new perspectives on allergic disease, the human microbiome, infectious disease prevention and the role of targeted hygiene. Perspect Public Health. 2016 Jul;136(4):213-24

2) Bricaire F., Saldman F. : les nouvelles épidémies comment s’en protéger ? Flammarion 2009

3) Buisson Y., Marié J.L., Davoust B. : ces maladies infectieuses importées par les aliments Bulletin de la société de pathologies exotiques 2008, 101, 4, 343 -- 347.

4) Cal PM, Matos MJ, Bernardes GJ. Trends in therapeutic drug conjugates for bacterial diseases: a patent review. Expert Opin Ther Pat. 2017 Feb;27(2):179-189.

5) Cammarota G, Ianiro G, Tilg H, et al. European consensus conference on faecal microbiota transplantation in clinical practice, Gut, 2017;0:1–12.

6) Carlet J., Le Coz P., tous ensemble sauvons les antibiotiques, rapport du groupe de travail spécial pour la préservation des antibiotiques, juin 2015.

7) Comunian S, Dongo D, Milani C, Palestini P. Air Pollution and Covid-19: The Role of Particulate Matter in the Spread and Increase of Covid-19's Morbidity and Mortality.Int J Environ Res Public Health. 2020 Jun 22; 17 (12):4487.

8) Desenclos J.C., – De Valk H. : les maladies infectieuse émergentes : importance en santé publique, aspect épidémiologique, déterminants et préventions. – Médecine et maladies infectieuses 2005-35-2-49-61

9) Escobar LE, Romero-Alvarez D, Leon R, Lepe-Lopez MA, Craft ME, Borbor-Cordova MJ, Svenning JC. Declining Prevalence of Disease Vectors Under Climate Change. Sci Rep. 2016 Dec 16;6:39150.

10) Jacobsen KH, Aguirre AA, Bailey CL, Baranova AV, Crooks AT, Croitoru A, Delamater PL, Gupta J, Kehn-Hall K, Narayanan A, Pierobon M, Rowan KE, Schwebach JR, Seshaiyer P, Sklarew DM, Stefanidis A, Agouris P. Lessons from the Ebola Outbreak: Action Items for Emerging Infectious Disease Preparedness and Response. Ecohealth. 2016 Mar;13(1):200-12.

11) Mc Michael A.J. The urban environment and health in a world of increasing globalisation issue for developing countries. – Bull World health organization 2000 -– 78 n°2

12) McGann P, Snesrud E, Maybank R, Corey B, Ong AC, Clifford R, Hinkle M, Whitman T, Lesho E, Schaecher KE. Escherichia coli Harboring mcr-1 and blaCTX-M on a Novel IncF Plasmid: First Report of mcr-1 in the United States. Antimicrob Agents Chemother. 2016 Jun 20;60(7):4420-1.

13) Morris AL, Guégan JF, Andreou D, Marsollier L, Carolan K, Le Croller M, Sanhueza D, Gozlan RE. Deforestation-driven food-web collapse linked to emerging tropical infectious disease, Mycobacterium ulcerans.Sci Adv. 2016 Dec 7;2(12):e1600387. eCollection 2016

14) Rossati A. Global warming and its health impact. Int J Occup Environ Med 2017;8:7-20

15) World Health Organization, antimicrobial resistance, global report on surveillance, 2014

par François Bricaire et France Wallet, partenariat SFSE