
Le grand âge vu par une infirmière en Ehpad
Qu’il s’agisse d’EHPAD publics ou privées, trouver le bon établissement, le financement, quitter un cadre de vie familier depuis toujours, avoir le sentiment d’abandonner ses parents… l’entrée d’une personne âgée en maison de retraite est toujours un parcours du combattant doublé d’un traumatisme pour elle et pour sa famille. Dans L’Âge fragile (éditions Ateliers Henry Dougier) Valérie Mollière revient sur sa vie d’infirmière au contact des personnes âgées.
par Laurent Joyeux.
Infirmière coordinatrice au sein d’établissements de soins pour personnes âgées, Valérie Mollière exerce depuis 1986 et travaille dans le secteur gériatrique depuis 2012. Dans L’Âge fragile, paru aux Ateliers Henry Dougier, elle dresse avec tendresse et humour, une série de portraits de personnes âgées, plus ou moins désorientées, obligées de s’adapter à de nouvelles conditions de vie.
Des hommes et des femmes que Valérie Mollière a pris le temps d’écouter, d’accompagner et d’aider à vivre jusqu’au bout. Avec des mots simples, elle raconte sa vie en Ehpad depuis les visites de préadmission et le projet d’accompagnement défini en équipe. Elle explique leur besoin d’intimité, la force des petites choses et des souvenirs. Elle entraîne son lecteur dans les couloirs, les salons de repos, les activités ponctuées par les appels, les cris, les rivalités, la ronde des fauteuils et des déambulateurs devant l’ascenseur, l’étage "Alzheimer" : la vie quotidienne qui parfois s’achève par ce syndrome de glissement qui survient quand toutes les ressources intérieures sont épuisées.
Si le parti pris de l’auteur souligne le professionnalisme des équipes, elle pointe la formation incomplète des aides-soignantes qui n’intègre toujours pas l’étude de la communication avec les anciens et se concentre sur les soins techniques : lever et coucher, toilettes, accompagnement, distribution et prise des repas. Elle explique comment les équipes, toujours en sous-effectif, doivent accomplir leur mission tout en répondant aux appels, aux urgences, aux exigences des familles, de la direction… une vie sous tension qui peut inciter les plus solides à changer d’établissement et provoquer des maltraitances chez les professionnels les plus fragiles.
Alors que beaucoup d’établissements privés font signer des contrats, précaires et mal rétribués, à des personnes sous qualifiées « faisant office d’aide-soignant », Valérie Mollière insiste sur l’esprit d’équipe, le dévouement et le professionnalisme, qui permet de tenir le coup devant le manque de considération et les plannings mal gérés. Coordinatrice par nature, elle salue les initiatives qui permettent aux résidents, aux soignants et aux familles de se rencontrer, d’établir un climat de confiance mutuelle dans un contexte parfois difficile et parfois désamorcer une situation explosive provoquée par la maladresse des uns ou le sentiment de culpabilité des autres.
L’Âge fragile ne s’inscrit ni dans une démarche sociale, ni dans un contexte politique, mais il souligne les manques. À travers ces témoignages, il pointe la créativité et la force de l’imagination nécessaire pour aider des personnes vulnérables à gérer leur fin de vie. Et quand Marthe, atteinte d’une maladie neurodégénérative, se demande ce que fabrique « Maman, qu’elle attend au jardin », la réponse de Valérie Mollière est pleine de délicatesse « Vous avez toujours aimé aller dans le jardin avec votre maman ? Qu’y faisiez-vous que vous ne puissiez faire ici ? »
Les Ehpad en chiffres
Sources : CNSA caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, Rapport DREES-Decembre 2014 , Ars |
- par Laurent Joyeux