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Vaccination Covid... après vous, je vous en prie !

Bien malin qui prédira l’attitude de la population à l’égard de ces vaccins qui arrivent bientôt. Je n’ai pas de boule de cristal, et ma compétence est limitée pour prédire les comportements collectifs. Je suis enhardi par la difficulté évidente de l’exercice – je veux dire qu’il n’a pas été aveuglant, jusqu’à présent, que les autorités françaises savaient prévoir le comportement de la population à l’égard des vaccins. Faisons donc ici un exercice parfaitement hypothétique de prédiction des comportements.

par Maël Lemoine.

 

Je pose une première hypothèse, celle que les Français ne sont pas pour ou contre les vaccins – en dehors d’une petite fraction de militants. Ils sont à la fois très peu certains, et un peu plus confiants qu’ils ne sont certains. En effet, il y a certainement plus de gens qui sont prêts à se faire vacciner, même dans l’incertitude, que de gens certains que ce vaccin est sûr et les protégera contre le virus.

Ma deuxième hypothèse est que nous n’avons pas encore assez entendu parler de ces vaccins pour que la confiance soit établie. Nous ne sortirons de cette situation qu’une fois les programmes de vaccination commencés.

Ma troisième hypothèse est que les variations du niveau de confiance à l’égard d’un vaccin dans une population sont brutales et non progressives. En d’autres termes, les décisions se prennent d’un coup et sont rarement remises en question. De plus, beaucoup d’agents ayant les mêmes informations, en tirent les mêmes conclusions. Ce qui déterminera la pente de la courbe, c’est donc la valence de l’information au moment où la plupart des agents prendront leur décision de se faire vacciner ou de ne pas se faire vacciner.

Ma quatrième hypothèse, c’est que la plupart des gens se feront vacciner principalement en fonction de l’innocuité du vaccin, et secondairement en fonction de son efficacité. Le coût du vaccin étant en effet invisible pour la population, il est rationnel de lui donner sa chance s’il ne fait pas de mal. De plus, on verra l’innocuité éventuelle des vaccins avant de voir leur éventuelle inefficacité. Il y a donc une question essentielle de temporalité. Lorsque la première tranche de la population sera vaccinée, on connaîtra nécessairement l’innocuité éventuelle des vaccins, mais pas nécessairement encore leur efficacité. Si ce décalage se maintient et que l’innocuité est avérée, la population pourrait être majoritairement vaccinée avant que la population ne soit convaincue que le vaccin ne marche pas. Tandis que seule une minorité de la population sera vaccinée après que la majorité se sera convaincue que le vaccin est dangereux et refusera de l’être à son tour.

Attentisme

Ces quatre hypothèses étant posées, il en découle une première conséquence : l’attitude de la population est principalement attentiste. En d’autres termes, la majorité des gens préfèrent attendre que les autres soient vaccinés d’abord et qu’il n’y ait pas de dommages, pour se faire une opinion.

La conséquence qui s’ensuit est que les gens scruteront les résultats de la vaccination sur la première partie de la population de « gens normaux ». On sait que ces « gens normaux » sont les pensionnaires des établissements pour personnes âgées. Généralement plutôt dociles au discours médical et peu réfractaires à la vaccination, c’est eux, ou plutôt, c’est leur sort qui déterminera la direction de la courbe de confiance dans la population.

Je m’attendrais à ce que l’attention se focalise sur le nombre de morts dans ces établissements. [les ehpad], et non le nombre de contaminations. Il apparaîtra comme une sorte de mesure « synthétique » des effets secondaires des vaccins et de leur efficacité.


La conséquence suivante est que les autorités ont intérêt à ne pas relâcher les autres mesures de protection de ce petit million de personnes – voire à les renforcer pendant la campagne de vaccination. En effet, si les autorités ne dissimuleront naturellement pas les cas d’effets secondaires graves, elles continueront aussi de compter les cas de contamination. Pour que la situation inspire la confiance, il faudra, et suffira, que le nombre de cas d’effets secondaires graves soit le plus proche possible de zéro à condition que le nombre de contaminations diminue aussi. Si nous supposons que les autorités souhaitent que le plus grand nombre soit vacciné, elles ont un fort intérêt à augmenter le niveau de vigilance dans les maisons de retraite.

Je n’en suis pas sûr, mais je m’attendrais à ce que l’attention se focalise sur le nombre de morts dans ces établissements, et non le nombre de contaminations. Il apparaîtra comme une sorte de mesure « synthétique » des effets secondaires des vaccins et de leur efficacité. On rappellera que l’immunité conférée par les vaccins est moins fréquente et moins forte chez les personnes âgées – qui peuvent attraper la maladie, mais font une forme moins grave. Bref, si le nombre de morts baisse, et non le nombre de contaminés, la plupart des gens considéreront que c’est la preuve qui leur manque pour se faire vacciner à leur tour.

Je n’en suis pas sûr, mais je m’attendrais à ce que l’attention se focalise sur le nombre de morts dans [les maisons de retraite], et non le nombre de contaminations. [...] Bref, si le nombre de morts baisse, et non le nombre de contaminés, la plupart des gens considéreront que c’est la preuve qui leur manque pour se faire vacciner à leur tour.


Selon ces hypothèses, l’étape la plus délicate sera la preuve d’efficacité dans la vaccination des personnes à risque. Admettons en effet que l’innocuité observée chez les sujets les plus âgés se retrouve dans la population des personnes âgées ou à risque. Il sera impossible à la fois de vacciner cette population et de maintenir des mesures de précaution strictes. Le nombre de cas pourrait donc augmenter dans cette population en principe vaccinée. C’est à ce stade que l’efficacité des vaccins jouera donc son rôle dans l’adhésion de la population. Si elle est jugée médiocre par le reste de la population, cette population ne se fera pas vacciner.

Alors, nous ferons-nous vacciner ?

En résumé, je pense que si le vaccin n’est pas dangereux, les personnes les plus âgées, et les personnes âgées ou à risque seront très majoritairement vaccinées, mais si le vaccin n’est pas efficace, le reste de la population se fera moins massivement vacciner.

par Maël Lemoine