(c) Shutterstock

Chirurgie fast track : numérisation du parcours de soins

Le dernier colloque Faire Avancer la Santé Numérique (FASN) a été construit autour de la thématique de l’hôpital du futur. Peut-on réussir à le penser, le construire, malgré la rapidité à laquelle évoluent les technologies aujourd’hui ? Le fonctionnement, l’architecture de l’hôpital de demain et l’expérience qu’en aura le patient seront profondément modelés par cette entrée de la santé dans l’ère du numérique.

par Carole Ivaldi.

Carole Ivaldi

La révolution du numérique a t-elle déjà commencé à laisser son empreinte sur les modes d’organisation du travail au sein de l’hôpital, sur les métiers, les dispositifs et les examens médicaux, leurs interprétations et le diagnostic ?

Au CHU-IHU de Strasbourg, le Pr Patrick Pessaux, chirurgien, et son équipe ont réfléchi à la numérisation du parcours de soin dans le but de le fluidifier et de faire gagner du temps aux patients comme aux soignants.

À chaque chirurgie sa temporalité de parcours de soins

Le Pr Pessaux qui a piloté la réorganisation du parcours de soins dans son service de chirurgie digestive explique : « Nous avons commencé par identifier dans notre service trois parcours de soins différents en fonction des trois types de chirurgies pratiquées : chirurgie hépatobiliaire, chirurgie colorectale et chirurgie bariatrique. Chaque chirurgie a sa temporalité. En cas de cancer, la rapidité à laquelle le patient va rencontrer le chirurgien améliorera son pronostic. Dans le cas de la chirurgie bariatrique, c’est le contraire, il faut prendre son temps avant d’opérer. Quand on décide un traitement, il y a aussi une phase de préparation. »

Accélérer la prise en charge  vers la chirurgie

La question à laquelle le Pr Pessaux et son équipe ont dû répondre est la suivante : comment faire en sorte que le malade soit orienté avec un dossier bien ficelé vers le bon spécialiste le plus rapidement possible ?

« Les patients peuvent avoir des parcours de soins qui s’effilochent depuis une première consultation avec un médecin généraliste, une deuxième avec un gastroentérologue, suivi d’un délai d’attente pour faire des examens médicaux (IRM, scanners). Ils doivent alors retourner voir un médecin pour avoir l’interprétation des examens. Ce dernier les adresse à un chirurgien spécialisé qui demande le plus souvent d’autres examens plus spécifiques afin de savoir s’il doit opérer rapidement, s'il est face à un cancer. Une fois les nouveaux examens faits, retour en consultation avec le chirurgien qui programme une chirurgie et adresse le patient à un anesthésiste… Nous avons évalué le temps de ce parcours à environ 8 à 10 semaines. »

L’idée est de supprimer du parcours de soins tout ce qui est inutile ou redondant et de regrouper tous les examens et les consultations en une journée. [...] 
Notre objectif est de permettre une prise en charge du patient accélérée dans la journée et d’aller rapidement vers la chirurgie.


L’idée est de supprimer du parcours de soins tout ce qui est inutile ou redondant et de regrouper tous les examens et les consultations en une journée. Pour remédier à ces nombreux allers-retours chronophages, le Pr Pessaux et la radiologue spécialisée en hépatobiliaire ont fait en sorte d’être présents le même jour dans le service, de sorte que si le chirurgien a besoin d’un scanner, d’une IRM ou d’une échographie après avoir vu le malade en consultation, elle le fasse dans la matinée. Après avoir débriefé des résultats des examens avec elle, il revoit le malade pour tout lui réexpliquer et s’il y a une indication chirurgicale, des créneaux sont disponibles avec l’anesthésiste, la diététicienne et une consultation d’annonce avec une infirmière. « Notre objectif est de permettre une prise en charge du patient accélérée dans la journée et d’aller rapidement vers la chirurgie. Ce sont des consultations qui nécessitent beaucoup d’anticipation sur les bons examens à faire.  Enfin, pour améliorer l’accès aux soins et à la chirurgie dans nos CHU, il faut aussi avoir en amont plus de correspondances et de coordinations avec nos différents interlocuteurs pour filtrer les patients, car certaines étapes peuvent être accomplies en ville lorsqu’il ne s’agit pas de tumeurs malignes, par exemple. » 

Accélérer la phase de réhabilitation post-chirurgicale

« Pour aller mieux plus rapidement, il faut sortir plus vite de l’hôpital, explique Karem Slim, chirurgien au CHU de Clermont-Ferrand, président de Grace (1). Cela passe par une amélioration des suites opératoires, et par une prise en charge globale du patient qui aboutit à un raccourcissement du séjour. Le but est de diminuer, idéalement de supprimer, toutes les agressions (les drains, les sondes gastriques, l’alitement prolongé etc.) qui viennent se surajouter à celles causées par la maladie ». Appelée la RAC (pour Réhabilitation Améliorée après la Chirurgie), cette démarche vertueuse volontaire comprend un ensemble de mesures pré, per et postopératoires, destinées à réduire l'agression chirurgicale et ainsi améliorer les suites de toute chirurgie. La mise en place de la RAC n’est possible qu’en changeant l’organisation, en améliorant la communication entre les membres de l’équipe et en rendant le patient acteur de ses soins. Il est acteur avant et après l’opération en gérant sa douleur, son alimentation, sa rééducation et la gestion des risques liés à sa sortie.

En chirurgie, le numérique est un facilitateur : il accélère les prises en charge grâce à une meilleure coordination an amont et en aval [...] On remplace une équipe d’experts par une équipe experte


« Il est cependant important de parler d’une réhabilitation « améliorée », et non pas « rapide » du patient. Le patient sort plus rapidement de l’hôpital car il va mieux plus vite. Il ne sort que si son état le permet et qu’il remplit les critères objectifs de sortie. Grâce à la RAC, le patient récupère un confort de vie plus rapidement et souffre de moins de complications médicales (ex : infections nosocomiales). Pour y parvenir, il faut un esprit d’équipe. C’est un changement de paradigme sans lequel la fluidification du parcours de soins ne peut s’opérer. On remplace une équipe d’experts par une équipe experte, ce qui n’est pas du tout la même chose »
conclut le Pr Slim. C’est un nouveau parcours de soins, « l’hospitalisation 2.0 » ou « le parcours 2.0 » qui est en train de révolutionner la prise en charge des malades. Cela se fait de plus en plus dans les CHU, dans les hôpitaux privés. En chirurgie, le numérique est un facilitateur : il accélère les prises en charge grâce à une meilleure coordination an amont et en aval

Pour assurer le suivi des malades en ambulatoire, les objets numériques et les applications santé qui sont en train de se développer, vont devenir incontournables. En amont, pendant et en aval, ces objets vont permettre au patient d’être acteur de sa surveillance. Cependant les objets connectés ne supprimeront pas pour autant l’importance du contact humain dans la relation de soins qui passe par exemple par l’importance du passage d’une infirmière à domicile.

Note

(1) Groupement Francophone de réhabilitation améliorée après Chirurgie

par Carole Ivaldi