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Comment organiser au mieux la prise en charge en ambulatoire ?

L'univers hospitalier connaît actuellement une profonde mutation. Outre la mise en place des Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT), qui génère de nombreux changements dans l'organisation, d’autres transformations bouleversent les structures hospitalières notamment le développement de la prise en charge ambulatoire. Comment s’organiser au mieux pour les équipes et les patients ?

par Laure Martin

LaureMartin

« La prise en charge en ambulatoire n’est pas une innovation, a tenu à rappeler le Dr Anne Guidat, anesthésiste, coordonnateur de la gestion des risques associés aux soins au CHU de Lille, lors des Journées d’études et de formation à la co-construction de l’hôpital de demain, organisées mi-octobre par Hopitech. C’est en 1909 que l’intérêt pour le patient de rentrer est évoqué pour la première fois. » En France, un décret de 1992 relatif aux structures de soins alternatives à l’hospitalisation acte ce type de prise en charge. Le texte précise que ces structures ont pour objet d'éviter une hospitalisation à temps complet ou d'en diminuer la durée. Parmi les établissements impliqués, ceux qui exercent la chirurgie ambulatoire.

Cette pratique devrait d’ailleurs concerner, d’après les objectifs gouvernementaux, six opérations sur dix d’ici 2020. L’ensemble des spécialités sont d’ailleurs concernées : ophtalmologie, stomatologie, ORL, gynécologie, urologie, orthopédie et chirurgie digestive. « La chirurgie ambulatoire est devenue la norme, a fait savoir le Dr Guidat. On dit souvent qu’on y a recours pour de la petite chirurgie et il est vrai que les opérations du canal carpien ou de la veine saphène par exemple se réalisent facilement en ambulatoire. Mais depuis 2011, des prothèses de hanches, de genoux, l’ablation du rein et des colectomies, se font également en chirurgie ambulatoire. » Des recommandations établies par les sociétés savantes et l’Association française de chirurgie ambulatoire (AFCA) définissent les actes pouvant être réalisés en ambulatoire mais il appartient à chaque établissement de définir en interne avec les professionnels de santé concernés, les actes qui pourront l’être effectués.

 

"Cette pratique devrait d’ailleurs concernée, d’après les objectifs gouvernementaux, six opérations sur dix d’ici 2020."

Évolution des techniques

Mais attention, « il ne faut pas considérer, avec la chirurgie ambulatoire, que le patient est mis dehors ou qu’il est abandonné chez lui car tout un processus est mis en œuvre, a tenu à préciser le Dr Guidat. Il ne s’agit certainement pas d’une médecine au rabais. Cette procédure est centrée sur la sécurité du patient. » C’est l’évolution des techniques qui a permis de diminuer le temps de la réhabilitation post-opératoire et d’augmenter le nombre d’opérations réalisées en ambulatoire. Le recours à la célioscopie lors des interventions permet de toutes petites entrées dans le corps, les cicatrices sont moindres, tout comme les saignements. Les médicaments génèrent également moins d’effets secondaires. Les anesthésies sont plus souvent réalisées en local, des médicaments pour la prévention des nausées et des vomissements sont accessibles. « Toutes ces évolutions sont compatible avec un retour à domicile le jour même », a signalé l’anesthésiste. Et de prévenir : « La limite au recours à la chirurgie ambulatoire concerne les patients qui ont des pathologies associées car dans ces cas-là, ils peuvent décompenser. » Finalement, le parcours est identique à une chirurgie classique en dehors du fait que le patient ne va passer que 12  heures à l’hôpital, ce qui requiert une organisation millimétrée.

Organisation du protocole

C’est au chirurgien qu’il revient de proposer à son patient une prise en charge en ambulatoire. Ce dernier se rend ensuite en consultation avec l’anesthésiste qui confirme ce choix du chirurgien. « Le patient doit être parfaitement informé de la procédure, a rapporté le Dr Guidat. Son consentement éclairé est requis. » Les nourrissons comme les personnes âgées peuvent être pris en charge en ambulatoire, c’est même conseillé car ils sont davantage rassurés lorsqu’ils sont dans leur cadre de vie habituel.

"Les nourrissons comme les personnes âgées peuvent être pris en charge en ambulatoire, c’est même conseillé"

 Néanmoins, plus globalement, des règles de bonnes conduites doivent être respectées : être accompagnés, ne pas conduire pendant les 12 heures qui suivent l’intervention, être prudent au domicile, et avoir un accès rapide à la permanence et continuité des soins. « Le patient n’est pas responsable des suites de la chirurgie ambulatoire, mais il doit adhérer aux conditions de la prise en charge », a expliqué le Dr Guidat. D’ailleurs, vingt-quatre heures avant l’opération, il est appelé par l’équipe hospitalière pour vérifier son état et confirmer sa prise en charge. Le compte rendu de l’opération est remis au patient le jour même. Il lui est également expliqué la conduite à tenir en cas de problème et les rendez-vous post-opératoires sont fixés. Lors du retour à domicile, un contact est pris en post-opératoire à J+1, soit par appel du service, soit avec l’organisation du passage à domicile d’une infirmière libérale. Par la suite, l’établissement cherche généralement à savoir si les médicaments prescrits ont suffi au patient et s’il a cherché à contacter quelqu’un par crainte des suites opératoires. Toute cette organisation, réalisée notamment avec l’infirmière de programmation, constitue une barrière de sécurité pour s’assurer que la prise en charge se déroule correctement. 

L’hôtel hospitalier

Pour offrir une prise en charge en ambulatoire aux patients qui n’habitent pas à proximité de l’établissement, le CHU de Lille dispose d’une maison familiale hospitalière. « J’organise l’arrivée des patients la veille de leur intervention », explique Christine Dautricourt, infirmière de programmation au CHU de Lille. Cette structure existe depuis 1969, mais en 2014, elle a été reconstruite à proximité de l’établissement hospitalier pour faciliter la prise en charge des patients. Un étage de la maison est réservé aux mamans et enfants et le deuxième étage est dédié à l’ambulatoire : 35 chambres, la possibilité de cuisiner sur place, de profiter du jardin, de l’espace de détente. L’accueil au sein de cette maison familiale hospitalière est gratuite pour les patients programmés en chirurgie ambulatoire et leur accompagnant, l’un des critères de prise en charge étant l’éloignement du CHU. « Cette structure a permis d’améliorer de 0.5 % le taux de chirurgie ambulatoire, explique l’infirmière. Les retours des patients sont très positifs car ils se sentent soutenus, ils ont le sentiment de pouvoir avoir accès à une offre de soin dont ils n’auraient pas pu bénéficier sans la maison. » Mais attention, dans cette structure associative, les patients sont autonomes, aucun professionnel de santé n’est sur place.

  

par Laure Martin