Une assistance pour les médecins victimes de violences

Le CNOM a rendu public, le 4 avril dernier, les chiffres préoccupants de l’Observatoire pour la sécurité des médecins : 1 126 agressions ont été déclarées en 2018. Devant le triste constat de l’augmentation régulière des violences faites au médecin, une mutuelle dédiée à la profession médicale, la Mutuelle du médecin leur propose une assistance post-agression.

Profil des médecins agressés

Les médecins généralistes sont à l’origine de 70 % des déclarations d’agressions, alors qu’ils ne représentent que 44 % de la population des médecins. Ce chiffre est en hausse de 9 % par rapport à 2017. Les autres médecins spécialistes comptent donc pour 30 % des déclarations, en baisse de 9 % depuis l’année dernière.
Précision de taille de l’Observatoire : ces chiffres ne constitueraient que 30 % des agressions subies par les médecins. La majorité d’entre eux considère que ces déclarations sont chronophages, parfois inutiles ou sans suite, ce qui peut expliquer le peu de déclarations au CNOM. Le Dr Bertrand Legrand, médecin généraliste dans un quartier difficile à Tourcoing témoigne : « je ne déclare qu’une agression sur dix. Un exemple parmi tant d’autres : il y a deux ans, j’ai porté plainte pour vols de tampons et de certificats. Cette démarche m’a pris environ douze heures de temps administratif. Résultat : ma plainte a été classée sans suite parce que l’agresseur n’était soi-disant pas identifié. Le problème est que les lois de la République ne s’appliquent pas dans mon quartier. Même lorsque nous sommes face à des délinquants, l’agresseur a la même voix que l’agressé. Si un patient a un comportement malveillant à mon égard, comme des menaces de mort, je pose une main courante. Dans certains cas, s’il s’excuse après, je ne formalise pas les choses. » Les avis diffamatoires laissés sur Google sont aussi problématiques car le médecin ne peut lutter contre ce type de malveillance. Autre témoignage accablant du Dr Dominique Falaise (visionner son témoignage ci-dessous), médecin généraliste, très choquée après avoir été frappée au visage par un patient : « j’ai été envahie par un sentiment de culpabilité et d’incompréhension après cette agression. Un ami avocat m’a conseillé de porter plainte. Je l’ai fait, et pourtant n’ai eu aucune nouvelle par la suite. J’ai ressenti un grand isolement judicaire, juridique, administratif et psychique. J’ai mis du temps à évacuer cette agression. Personne ne m’a soutenue, personne ne m’a aidée. Nous, les médecins, ne sommes pas du tout formés à faire face à cette violence des patients. »
Ce qui peut aussi faire comprendre que parmi l’ensemble des incidents enregistrés par l’Observatoire en 2018, seuls 46 % ont été suivis d’une plainte (34 %) ou d’une main courante (12 %). Parmi les médecins qui ont porté plainte, 86 % l’ont fait suite à un vol, 62 % après une agression physique, 52 % en raison d’un acte de vandalisme, et enfin 16 % suite à des injures ou à des menaces.

Profil des agresseurs, typologie et motifs des agressions

L’agresseur est le patient dans 54 % des cas ; ou son accompagnateur dans 15 % des cas (1).
En grande majorité (66 %), les agressions sont verbales (insultes, menaces) ; 18 % sont des vols (ou des tentatives de vols), tandis que 8 % sont des agressions physiques et 7 % du vandalisme. Il faut préciser que parmi les agressions physiques, seules 3 % sont faites avec une arme en 2018 (10 avec un couteau, 5 avec une canne, 2 avec un fusil).
Concernant les motifs des agressions, près d’un tiers sont relatives à « un reproche dans la prise en charge » (ex : temps d’attente), tandis que 17 % concernent un vol et 16 % un refus de prescription de médicament ou d’arrêt de travail. Globalement, le nombre d’agressions déclarées augmente, mais leur gravité diminue. En effet, seulement 5 % des agressions ont engendré un arrêt de travail.

Les régions et départements les plus touchés

Par ordre décroissant, l’Île-de-France (+ 32 % vs 2017), les Hauts-de-France (+ 20 % vs 2017), l’Occitanie (+ 37 % vs 2017) et Auvergne-Rhône-Alpes (+ 3,2 % vs 2017) totalisent à elles quatre plus de la moitié des incidents reportés par les médecins sur le territoire.
Le nombre d’incidents par département donne une idée plus précise des zones les plus à risque : le Nord est largement en tête, avec 123 incidents reportés en 2018, suivi par les Bouches-du-Rhône (82 incidents), la Haute-Garonne (46 incidents) et la Seine-Saint-Denis (44 incidents). Paris est loin derrière avec 13 incidents.
Les médecins victimes d’agressions exercent majoritairement en centre ville (54 %), puis en banlieue (20 %) et en milieu rural. (17 %).
Enfin, 79 % des déclarations d’agressions sont faites par des médecins exerçant en médecine de ville, contre 11 % dans un établissement de soins.

Que faire en cas d’agression ?

Une fiche de signalement à remplir en ligne sur le site du CNOM (https://sve.ordre.medecin.fr/loc_fr/default/requests/signalement) permet de faire remonter l’information au conseil départemental. Cette démarche est un moyen pour le médecin agressé de bénéficier du soutien de l’institution ordinale.
Un guide pratique pour la sécurité des professionnels de santé élaboré par le CNOM (https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/guidesecuritedesprofsante2012.pdf) dispense de nombreux conseils pour assurer la sécurité dans son cabinet, chez le patient, ou lors d’un déplacement. Des conseils sur la conduite à tenir sont également donnés.

La Mutuelle du médecin a réagi face à cette montée des violences contre les professionnels de santé en prenant l’engagement auprés de ses adhérents ayant souscrit cette garantie spécifique « d’une prise en charge immédiate en cas d’agression au cabinet, qui se déclenche dans la minute du signalement de l’agression, via un numéro de téléphone, disponible 24 H/24 et 7 J/7. » Parmi les mesures proposées : un soutien psychologique par téléphone, une prise en charge des enfants ou des ascendants dépendants, ainsi que du transport du médecin agressé vers les rendez-vous médicaux.

Note

(1) L’agresseur, dans les 36 % restants, est : 11 % des cas : « autre » (dont 6 % du temps un membre de la famille du patient), et dans 25 % des cas, le médecin « ne se prononce pas ».Rapport de l’Observatoire de sécurité des médecins

par Carole iVALDI