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Plainte à l’encontre d’un médecin : en quoi consiste la conciliation de l’Ordre 

Lorsque le Conseil départemental de l’Ordre des médecins (CDOM) reçoit une plainte d’un patient ou d’un médecin, à l’encontre d’un autre médecin, il est dans l’obligation d’organiser une conciliation. En quoi consiste-t-elle ? Le point avec le Dr Gilles Munier, vice-président du Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom).

Propos recueillis par Laure Martin.

LaureMartin 

Qu’est ce que la conciliation ?

La conciliation est une obligation prévue par le Code de la santé publique. Lorsqu’une plainte est déposée à l’encontre d’un médecin devant son CDOM, ce dernier se doit d’organiser une conciliation.

Elle a lieu dans le cadre d’une procédure disciplinaire. Plusieurs personnes ou autorités peuvent déposer plainte à l’encontre d’un médecin devant le CDOM : des patients ou leurs ayants-droits, un confrère, le directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS), le procureur de la République, le ministre de la Santé ou encore l’Ordre des médecins. Néanmoins, lorsqu’une plainte émane du Cnom ou d’un CDOM, la conciliation n’est pas obligatoire, tout simplement parce qu’il n’est pas possible, en étant auteur de la plainte, d’être également conciliateur. Le CDOM a cependant la liberté d’inviter le médecin à faire valoir ses observations avant de déposer plainte. Il s’agit alors davantage d’un entretien. La procédure disciplinaire est indépendante de toute autre procédure civile ou pénale. 

Quel est le but de la conciliation ?

L’objectif est d’éviter d’aboutir à une procédure juridictionnelle en faisant en sorte que les deux parties s’expliquent, se parlent et trouvent une satisfaction à leur échange. Nous constatons que de nombreuses plaintes sont en réalité dues à un problème de communication, davantage qu’à des problèmes techniques. La conciliation va ainsi permettre aux deux parties d’échanger de manière libre afin que chacun comprenne les arguments de l’autre. Souvent cette discussion annihile la plainte.

Comment la conciliation est-elle organisée ?

Elle est organisée par quelques membres du CDOM qui en prennent la responsabilité. Elle doit se dérouler dans le mois qui suit le dépôt de plainte. Le plaignant peut assister ou non à la conciliation et il peut se faire assister d’un avocat. Il peut également venir avec un membre de sa famille lorsque l’affaire est sensible sur le plan émotionnel.

Le médecin n’a pas non plus l’obligation d’être présent à la conciliation, même si, bien entendu, cela lui est fortement recommandé car en son absence, la conciliation n’aboutit pas et la procédure se poursuit alors en chambre disciplinaire. Le médecin peut se faire accompagner d’un avocat ou d’un autre médecin qui peut le soutenir.

Du côté du CDOM, nous préconisons que seuls deux conciliateurs, membres du CDOM, soient présents de façon à ce que les propos puissent être maîtrisés. Ils ne doivent pas être plus nombreux afin d’éviter que la conciliation ne s’apparente à une juridiction. Les conciliateurs laissent tout d’abord la parole au plaignant afin qu’il puisse s’exprimer. Le médecin répond ensuite aux différents griefs. Les conciliateurs voient alors comment concilier et cherchent à trouver un terrain d’entente afin d’éviter la procédure juridictionnelle.

Quelle en est l’issue ?

La conciliation dure entre une heure et une heure trente. Lorsque la conciliation a été totalement réussie, les conciliateurs prennent acte et écrivent un rapport pour le signifier et acter le retrait de la plainte. Un procès verbal de conciliation est signé par les parties. Mais la conciliation peut ne pas aboutir lorsque le patient n’est pas satisfait et maintient l’intégralité de sa plainte. Un PV de non conciliation est alors rédigé et la plainte est transmise à la chambre disciplinaire. Il existe des cas de conciliation partielle, lorsque les plaignants sont satisfaits sur quelques griefs mais pas sur tous. La chambre disciplinaire est alors saisie pour les griefs non réglés. 

En aucun cas le plaignant ne peut prétendre, devant le CDOM à une indemnisation. A l’échelle de la conciliation, le médecin peut uniquement s’engager moralement, mais rien de plus ne peut lui être demandé. En revanche, s’il ne respecte pas ses engagements et qu’une nouvelle plainte est déposée, le CDOM saura apprécier. Lorsque la plainte est examinée par la chambre disciplinaire, celle-ci peut décider de sanctions, des blâmes ou d’une interdiction d’exercice à l’encontre du médecin.

Si le plaignant souhaite une indemnisation, il doit s’orienter vers une procédure civile. Il peut également choisir la procédure pénale pour obtenir une condamnation.
L’Ordre ne s’associe pas à une procédure civile car la finalité est strictement financière. En revanche, au niveau pénal, il arrive de manière non négligeable que l’Ordre s’associe à la démarche. Il peut se porter partie civile notamment s’il estime que le médecin a un comportement nuisible par rapport à l’image des médecins.

Comment les médecins peuvent-ils se préparer à la conciliation ?

Il est rare qu’un médecin soit mis en cause plus d’une fois par des patients ou des confrères. Donc généralement, ils arrivent pour la première fois devant les conciliateurs du CDOM sans savoir comment la conciliation va se dérouler. Pour commencer, ils sont informés très rapidement de la plainte, par courrier. Ensuite, il appartient à chaque médecin de voir ce qu’il peut faire pour se préparer.

Dès lors qu’il est mis en cause sur le plan pénal, civil ou juridictionnel, le médecin doit en informer immédiatement sa compagnie d’assurance afin d’être assisté.

Il peut par exemple contacter le CDOM pour avoir des informations sur l’organisation pratique de la conciliation. S’il prend un avocat, ce dernier peut lui expliquer la procédure et l’objectif de la démarche, qui est de répondre au grief du patient de façon à éviter une procédure juridictionnelle.

Il est important de rappeler que, de par la loi et le Code de déontologie, le médecin doit disposer d’une assurance en responsabilité civile professionnelle. Celle-ci prévoit une assistance juridique.  Dès lors qu’il est mis en cause sur le plan pénal, civil ou juridictionnel, le médecin doit en informer immédiatement sa compagnie d’assurance afin d’être assisté.

Pour quel type de griefs des plaintes sont-elles majoritairement posées ?

Les griefs les plus importants concernent l’activité de soins. Il peut-être alors reproché au médecin de ne pas avoir été consciencieux dans la délivrance des soins.

En deuxième position arrivent les plaintes pour des certificats dits de complaisance c'est-à-dire des certificats qui, d’après les plaignants, ont été rédigés par les médecins dans le cadre d’une procédure de divorce pour l’obtention de la garde des enfants par exemple. Il peut aussi s’agir d’employeurs qui se tournent devant l’Ordre pour des certificats rédigés sur les conditions de travail de leur salarié faisant état de harcèlement au travail.

Enfin, nous recevons des plaintes de médecins en raison parfois de l’attitude non confraternelle de leur collègue.

par Laure Martin