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Ophtalmologues : quels équipements ? Quelles charges ?

S’installer en libéral est un réel investissement pour les ophtalmologues. Comment s’équiper pour débuter son activité ? Le point avec le Dr Marc-Antoine Chatel, ophtalmologue à Montpellier et trésorier adjoint du Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF)

Par Laure Martin.

LaureMartin 

OPHTALMO marc antoine chatel INTQuelle est la situation démographique des ophtalmologues ?

Nous sommes actuellement 5 700 ophtalmologues en France. Le déficit est réel mais moins grave que ce qu’il n’y parait. Il s’explique par un numerus clausus qui a longtemps été très contraint pour notre spécialité. Mais l’ophtalmologie attire les jeunes médecins. Elle fait partie des cinq premières spécialités choisies par les internes. Il ne s’agit donc pas d’un déficit de choix car celle-ci est très dynamique, elle évolue très vite en fonction des technologies. Ces dernières ont d’ailleurs une incidence sur la pratique. Elles permettent aux ophtalmologues de mieux travailler et de gagner du temps, pour ainsi recevoir plus de patients. L’amélioration de la performance des machines a permis, avec les agendas électroniques ainsi que la présence des orthoptistes au sein de nos cabinets, de réduire par deux les délais pour les rendez-vous. En quatre ans, la profession est parvenue à prendre en charge trois millions de personnes supplémentaires.

Quel est le mode d’exercice des ophtalmologues ?

Aujourd’hui, la profession exerce à 90 % en libéral et 90 % des jeunes médecins font également le choix du libéral à la fin de leur internat. Néanmoins, notre spécialité ne s’exerce pas au sein de cabinets pluriprofessionnels en raison des investissements nécessaires à l’installation qui ne peuvent pas être mutualisés avec d’autres spécialités. En revanche, les ophtalmologues exercent en groupe, justement pour partager les investissements.

Quel est l’équipement nécessaire à l’installation en libéral ?

À l’installation, nous avons besoin d’un grand nombre de machines indispensables pour la consultation. Celles de base sont indispensables : l’autoréfractomètre, le frontofocomètre, le réfracteur, le tonomètre, l’OCT et la lampe à fente.

D’autres machines peuvent également être acquises pour la pratique, très nombreuses. Elles ne sont pas indispensables pour un examen de base mais très utiles : par exemple le topographe pour examiner la cornée qui coûte 50 000 euros ou l’angiographe nécessaire pour l’examen de la rétine qui coûte jusqu’à 150 000 euros. Si l’ophtalmologue souhaite disposer de lasers, plusieurs sont à sa disposition et coûtent chacun minimum 30 000 euros. Pour faire de la chirurgie, une dizaine de boîtes de petits matériels est nécessaire, ce qui revient à 15 000 euros environ, le reste du matériel étant fourni par la clinique. Enfin le laser de chirurgie de la myopie, souvent utilisé dans des centres financés par des groupes d’ophtalmologues, nécessite de lourds investissements autour d’un million d’euros.

Notre spécialité ne s’exerce pas au sein de cabinets pluriprofessionnels en raison des investissements nécessaires à l’installation qui ne peuvent pas être mutualisés avec d’autres spécialités. En revanche, les ophtalmologues exercent en groupe, justement pour partager les investissements.


L’ophtalmologue doit aussi investir dans l’informatique car l’ensemble des machines fonctionnent en réseau. Un ordinateur avec un logiciel par machine est indispensable pour que l’ensemble des données des patients puissent être transmises, de manière sécurisée, entre les assistants qui prennent les mesures et les ophtalmologues. Cet investissement revient à environ 1 000 euros par poste par an.

Nous avons aussi des petites charges (gouttes pour les yeux, pansements, etc.) qui s'élèvent entre 1 000 et 2 000 euros par mois pour un cabinet.

Enfin, nous ne travaillons plus seuls et il faut donc recruter, en général une secrétaire et un orthoptiste par ophtalmologue.

À combien s’élève l’investissement ?

L’investissement peut avoisiner les 500 000 euros mais il est possible de se limiter aux « machines de base », ce qui porte l’investissement autour de 250 000 euros.

Ainsi, les charges globales d’un cabinet d’ophtalmologues sont comprises entre 6 000 et 30 000 euros par mois (machines, charges des salariés, etc.). Quant au coût d’une installation globale, elle est comprise entre 150 000 euros (cabinet ancien tout équipé matériel amorti) et peut atteindre 2 millions d’euros en incluant le rachat de clientèle. En raison du montant de ces investissements, les ophtalmologues s’associent rapidement.

Comment acquérir ce matériel ?

Généralement, il est financé à 100 % par des prêts bancaires mais il est aussi possible d'opter pour le leasing, tout est question de choix personnel. Les investissements sont lourds mais nous pouvons travailler en conséquence. D’ailleurs, l’investissement de base s’amortit sur sept ans environ car ces machines nous font gagner beaucoup de temps et nous permettent de multiplier les consultations : environ 10 000 par an. Cependant, la baisse continue du tarif des actes peut, à termes, aboutir à une baisse de leur qualité car les ophtalmologues ne vont plus pouvoir investir dans des machines qui parfois servent très peu.

Dans notre secteur, cinq marques se partagent le marché pour les machines principales. La rapidité du service après-vente est déterminante dans le choix opéré par les ophtalmologues. Le bouche à oreille a toute son importance.

Qu’en est-il des assurances ?

En tant que professionnel de santé, l’ophtalmologue doit bien entendu s’assurer et assurer son matériel, même s’il est fiable.

L’entretien des machines est généralement sous garantie pendant deux ans, avec possibilité d’acheter une extension de garantie. L’ophtalmologue peut ensuite prendre une assurance en cas de panne ou de casse du matériel, dont le montant est très élevé en cas de remplacement à neuf. Son montant dépend de chaque assurance, le prix étant un pourcentage du montant des machines à assurer. Néanmoins, le matériel que nous achetons perd 20% de sa valeur chaque année, pour vétusté. Donc après cinq ans d’usage, la machine ne vaut plus rien en termes d’assurance. Avec l’évolution technologique, c’est la raison pour laquelle les ophtalmologues changent leur matériel tous les cinq à dix ans. Donc tous les dix ans, nous devons réinvestir de l'ordre de 250 000 euros de matériel.

La responsabilité civile professionnelle est également obligatoire pour les professionnels de santé, autour de 2 000 euros par an. Elle est complétée de façon facultative par l’assurance arrêt de travail et perte d’exploitation en fonction du chiffre d’affaires. De fait, si un problème empêche l’ophtalmologue d’effectuer son activité, cette assurance va prendre le relai pour payer les remboursements de prêt, le salaire des employés (secrétaires et assistants) et les revenus de l’ophtalmologue si cette option est comprise dans le contrat. Cette assurance facultative me coûte par exemple 15 000 euros par an. 

Comment s’opère le choix des machines ?

Le choix des machines dépend principalement de la réputation de fiabilité et du type de matériel que le jeune médecin a utilisé lors de ses études et lors des remplacements, car il a appris leur fonctionnement. De fait, au moment de son installation, il va s’orienter vers les mêmes marques. Dans notre secteur, cinq marques se partagent le marché pour les machines principales. La rapidité du service après-vente est déterminante dans le choix opéré par les ophtalmologues. Le bouche à oreille a toute son importance.

par Laure Martin