Le rôle des patients dans l’évaluation de la dispense des soins
La 17e matinée du Collège des économistes de la santé (CES) organisée en avril, a été l’occasion d’aborder le rôle de plus en plus important accordé aux patients dans les décisions individuelles de prise en charge et au niveau des politiques de santé. Des outils de mesures sont disponibles mais en France, leur usage et la prise en compte de ces mesures restent récents, modestes et perfectibles.
Par Laure Martin.
Les associations de patients se mobilisent de plus en plus pour mieux connaître et faire reconnaître l’impact de la maladie au quotidien sur leur qualité de vie. Le recours à l’expérience patient a d’ailleurs transformé les études et le travail des chercheurs, ainsi que celui des professionnels de santé, à l’hôpital comme en libéral, avec la mise en place notamment de comités d’usagers. « Avec l’ère du patient-centric, le patient-expert et le patient représentant ont révolutionné les évaluations », a rapporté Benoit Arnould, expert en évaluation centrée sur le patient, au sein du groupe MAPI. L’exemple le plus parlant selon lui, est celui des parents d’enfants malades qui ont pris le pas sur la recherche clinique. Ils sont dans l’action. « Cet événement a mis le patient au centre des évaluations, a-t-il expliqué. Ce n’est pas qu’un événement social et sociétal mais une manière de travailler désormais intégrée par les acteurs du soin. » La Food and drug administration (FDA) aux États-Unis recommande d’ailleurs d’intégrer des mesures d’état de santé réalisées directement par le patient dans l’évaluation des médicaments. En Belgique, au Royaume-Uni et Outre-Atlantique, des hôpitaux utilisent régulièrement les mesures de résultats de santé et de perception du processus de soins par les patients, dans le but de mesurer et d’améliorer la qualité des soins.
Tenir compte du ressenti des patients
En France, les organismes payeurs intègrent désormais la voix du patient dans les décisions et les débats. « Il s’agit de patients-experts, de personnes identifiées par leurs pairs », a fait savoir Benoit Arnould. La démarche séduit mais n’est pas suffisante. « Nous voulons avoir une science qui intègre le point de vue du patient dans le cadre du respect de règles scientifiques », a-t-il indiqué. Des outils ont été structurés pour la recherche clinique. Tout d’abord les Patient reported outcome measures (Proms), qui mesurent l’état de santé du patient, rapporté par le patient lui-même, sans l’interprétation d’un médecin : symptômes, état fonctionnel, émotionnel, état psychologique, rôle social. Quant aux Patients reported experience measures (Prems), ils permettent de mesurer l’expérience qu’il vit lorsqu’il reçoit ses soins. « Le patient peut avoir un bon état de santé mais un mauvais ressenti des soins, a expliqué Anne-Gaëlle Le Coreller-Soriano, économiste de la santé au SESSTIM (Sciences économiques et sociales de la santé et traitement de l’information médical).
La neutralité des mesures
« Il y a 20 à 30 ans, certains collègues estimaient que ces outils étaient des gadgets, a rappelé Bruno Falissard, pédopsychiatre et biostatisticien, directeur du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP). Mais ces outils ont pénétré la recherche médicale même si on constate qu’il y a encore des recherches en hémato-oncologie sans mesure de la qualité de vie des patients. » Et de poursuivre : « Tout le monde est d’accord pour dire que cette mesure de la qualité de vie des patients est une bonne chose car elle permet d’adapter le traitement. » Mais « le problème avec les Prems, c’est qu’il va falloir attendre encore vingt ans pour que l’expérience patient soit prise en compte », a regretté Bruno Detournay, directeur et associé du bureau d’étude Cemka-Eval.
Il semblerait cependant que l’usage de ces outils pose question. « On s’interroge de plus en plus sur la neutralité des interrogations portées aux patients, a fait savoir Anne-Gaëlle Le Coreller-Soriano. Est-ce que les Proms et les Prems sont neutres sur leur vécu ? Je n’en suis pas convaincue. » Pour certains, les résultats peuvent être biaisés. « Des patients ont tellement souffert en raison de leur pathologie que lorsqu’on leur demande aujourd’hui s’ils vont bien, leurs résultats vont montrés qu’ils se sentent mieux que la moyenne des Français, justement parce qu’ils ont vécu des moments douloureux. » Pour Bruno Falissard, le patient n’est pas toujours le mieux placé pour répondre à la question de savoir comment il se sent dans sa vie et peut avoir besoin d’être aidé. « L’une des solutions serait peut être de poser des questions ouvertes afin de savoir ce que pensent les patients, a-t-il suggéré. On peut aussi discuter directement avec eux plutôt que de leur donner un questionnaire. On touche du doigt l’idée que le sujet est un individu alors que les questionnaires sont de la statistique. »
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