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Un baromètre de l’expérience-patient pour aiguiller les pros de santé

L'Institut de l'expérience patient (IFEP)(1) a présenté, au ministère de la Santé, les résultats du baromètre de l’Expérience Patient IFEP - Institut BVA. Cette enquête de référence, inspirée d’une étude menée tous les deux ans aux USA par l’institut Beryl(2), avait un double enjeu : mesurer le degré de maturité de l’expérience-patient dans les établissements de santé et le comparer à ceux obtenus à l’international afin d'analyser les leviers d’amélioration de l’expérience-patient et son appropriation par les professionnels de santé. L’objectif à terme étant d’élaborer, en partenariat avec les diverses institutions impliquées, des recommandations pour développer ces Expériences Patient.

par Cécile Menu

Cecilemenu

Selon l’IFEP, l'expérience-patient recouvre l’ensemble des interactions d’une organisation de santé avec un patient et ses proches susceptibles d’influencer leur perception tout au long de leur parcours de santé. Ces interactions sont façonnées à la fois par la politique conduite par l’établissement et par l’histoire et la culture de chacun des patients accueillis. 

PAROLES D'EXPERTS

« Tout médecin sait que lorsque l’on fait attention à ce que le patient pense et ressent, il se sent mieux mais c’est aussi un facteur de réussite des soins » Michel Ballereau (Fédération des cliniques et hôpitaux privés de France – FHP)

« En cancérologie, on a une sensibilité particulière, les soins au long cours obligent à mettre davantage l’accent sur l’expérience-patient. Il ne faut surtout pas se limiter à l’intra hospitalier surtout dans ce domaine. Si de retour de l’hôpital, le patient se sent totalement démuni, si les proches ne savent pas gérer des situations compliquées, on aura échoué » rappelle Pascale Flamant. Le travail d’Unicancer mené depuis plusieurs mois sur de nouveaux axes stratégiques « a conduit à mettre sur le haut de la pile l’expérience-patient comme une priorité des années à venir ».

« Dans l’hospitalisation à domicile, beaucoup font de l’expérience-patient sans le savoir car, au domicile, nous sommes obligés de tenir compte de nombreuses dimensions qui dépassent largement le soin... Il faudrait que l’expérience patient soit véritablement entendue au-delà des murs de nos structures, qu’elle ne s’entende pas que dans un parcours intra-hospitalier car c’est la force de l’expérience-patient que d’être pensée comme un continuum » concluait Nicolas Noiriel (Fédération Nationale des Etablissements d’hospitalisation à domicile -FNEHAD).

Résultats du baromètre

La première édition de ce baromètre n’était destinée qu’aux professionnels de santé. Une enquête a été menée entre le 4 et 11 novembre 2018 impliquant 886 professionnels de santé. Toutes les voix au sein du système de santé y étaient représentées et l’enquête couvrait l’ensemble des types d’établissements de santé français. Gestionnaires d’établissement (41%), professionnels de santé (56% dont 37% paramédicaux, 19% médecins) et non-professionnels de santé concernés par ce sujet (3%) y ont répondu. Les acteurs médicosociaux étaient minoritaires (10%) de même que les cliniques privées (6%). Plus d’un tiers des répondants passaient 52% de son temps avec les patients. 47% des répondants ont découvert le concept expérience-patient grâce à l’enquête. À noter que parmi les cliniques privées, 67% étaient déjà familiers du terme.
Seulement 7% des répondants signifiaient que le concept était bien installé contre 26% aux USA.  Au total 62% des répondants n’avaient rien fait ou à peine contre 19% dans l’étude américaine. Pour plus de 70% des répondants, le concept d’expérience patient était rattaché à la relation au patient (73%) et à la qualité des soins (71%) et environ 60% l’associait à la sécurité des patients (63%) et à l’implication des patients et des familles (62%). 93% considérait que cela avait un impact sur l’engagement du personnel. L’étude a montré qu’en France, l’expérience-patient comme levier de la maîtrise médico-économique, intervenait peu dans l’opinion (réduction des coûts 11%). 22% lui dédiait un personnel ou un poste spécifique quel que soit le type d’établissement. Et 11% des établissements lui allouait 5 personnes et plus contre 35% aux États-Unis. Les trois premiers facteurs qui poussaient les entreprises à améliorer l’expérience patient étaient des motivations essentiellement intrinsèques aux personnes (Volonté d’améliorer la santé, Mieux coopérer, Volonté de bien faire). Quand, aux États-Unis, l’expérience-patient est devenue un facteur d’évaluation global du système pour 58%, elle ne l’est que pour 23% en France. Les principaux freins rencontrés concernaient la situation des personnels (43%) et les budgets et ressources insuffisantes (40%). 30% des personnes interrogées la positionnaient comme « autres priorités ».  
Les résultats ont mis en évidence une grande cohérence entre les freins identifiés et les leviers d’actions. Ainsi, les établissements où il fait bon travailler inciterait les professionnels de santé à prendre en compte la voix des patients, à mieux les écouter (pour 39%). Les priorités d’investissement pour que l’expérience Patient se développe portaient sur la formation et le développement des personnels (40%), l’amélioration des conditions de travail et la prise en charge plus importante des patients, des personnes accompagnantes et des familles (34%), le développement de la mesure de l’expérience-patient (28%). Enfin, 48% des professionnels étaient tout à fait prêts à s’y engager.

L’expérience patient : au cœur de la démocratie en santé

Anne-Marie Armanteras de Saxcé rappelait qu’à la Haute autorité de santé, l’expérience patient ne se limitera pas au patient. L’HAS souhaite en effet porter ces sujet à travers la création d‘un conseil pour l’engagement des usagers qui permettra « d’embarquer le patient et la personne accompagnée dans le secteur médicosocial et social  afin qu’il puisse « aller vers de l’autonomie à gérer sa maladie, les effets de sa maladie et de son handicap ».
« On sait maintenant que le résultat de soins dépend de la compétence technique, de l’application des bonnes pratiques mais également de l’expérience patient » rappelait Alexandra Fourcade du bureau des usagers de l'offre de soins (ministère de la Santé).

Trois leviers principaux  permettent de traduire, dans la stratégie de transformation du système de santé, cette volonté d’intégrer l’expérience patient de façon opérationnelle.

  • La formation : tous les étudiants entrant en 2e cycle à la rentrée 2019 auront dans leur cursus la possibilité d’avoir des modules de formation dans lesquels les patients seront intégrés ; l’évaluation de leur stage se fera également par les patients.
  • Le label du droit des usagers : depuis 9 ans, il existe un label « droit des usagers », porté par l’ensemble du système médecins libéraux, hôpitaux, médicosociaux. « On regarde sur l’ensemble du système tous les projets où le point de départ sont les attentes des patients ».
  • L’évaluation, à savoir, prendre en compte les dysfonctionnements pour transformer le système, par le recueil de témoignages des patients auprès des Agences régionales de Santé et du ministère de la santé.


Associons nos savoirs (http://www.associonsnossavoirs.fehap.fr/)
Une déclaration a été signée par la ministre de la Santé en novembre dernier visant à dire que les patients aujourd’hui doivent pouvoir intervenir dans la formation médicale et continue des professionnels de santé parce qu’ils ont une connaissance particulière dont les professionnels ont besoin. Issu d’un travail collectif international de plusieurs années, « Associons nos savoirs » mobilise à la fois les secteurs de la santé et de l’accompagnement social.



La commission des usagers (CDU)
La commission veille au respect des droits des usagers et facilite leurs démarches. Elle examine les plaintes et les réclamations. Elle contribue à l’amélioration de la politique d’accueil et de prise en charge des patients et de leur famille. La CDU informe les usagers sur les voies de recours et de conciliation dont elle dispose. Elle est également chargée de faire des propositions à la direction de l'établissement pour améliorer l'accueil et la prise en charge des malades et de leurs proches.
Malheureusement, nombreux sont les professionnels de santé qui ne la connaissent pas.
http://www.leciss.org/sites/default/files/34-CRUQPC%20Demarche%20qualite-fiche-CISS.pdf
http://www.france-assos-sante.org/


(1) Présentation le 2' janvier 2019. L’IFEP est une organisation à but non-lucratif dont la vocation est de contribuer à faire de l'expérience patient un levier de transformation du système de santé en France  en faisant « converger les approches qui se jouent au niveau national et à l’échelle internationale ». Constituée de professionnels, de patients et de citoyens, la communauté IFEP est ouverte à tous ceux qui souhaitent s'engager pour faire progresser l’Expérience Patient en France. (http://www.experiencepatient.fr/)
(2) https://www.theberylinstitute.org/

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