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« Le C2DS devrait être une agence nationale d’Etat »

Depuis 15 ans, le Comité pour le développement durable en santé (C2DS) œuvre pour le partage de bonnes pratiques entre les établissements sanitaires et médico-sociaux. Le point avec son fondateur, Olivier Toma, fervent défenseur du développement durable.

Propos recueillis par Laure Martin.

LaureMartin

Dr Olivier Toma C2DSComment est né le C2DS ?

Dans les années 2000, lorsque j’étais directeur de clinique, avec François Mourgues, l’actuel président du C2DS, et d’autres directeurs, nous avons intégré la notion de développement durable dans la stratégie de nos établissements. Or, à l’époque, il n’existait aucune information sur le sujet.

Nous avons donc décidé de mutualiser nos réflexions, nos compétences, nos actions et notre expertise en créant l’association avec pour finalité d’animer un réseau. Au départ, 25 directeurs d’établissements étaient adhérents au C2DS. Aujourd’hui, nous sommes environ 500. Notre objectif est aussi de mettre fin au fonctionnement en silo car les barrières sont bien présentes entre le secteur sanitaire et le médico-social, entre le privé et le public, entre les libéraux et les hospitaliers. Notre association souhaite permettre à tous de travailler ensemble.

La finalité du C2DS a progressivement évolué… ?

En effet ! Très vite, nous avons cherché à dénoncer les mauvaises pratiques, à faire du lancement d’alertes. Nous avons eu un point de départ à notre action : dans les maternités, le personnel distribue aux nouveaux parents des lots avec des couches, des crèmes. En 2008, j’ai commencé à lire les étiquettes de ces produits et je me suis rendu compte qu’ils contenaient des perturbateurs endocriniens. J’ai pris conscience que d’un côté, j’avais la responsabilité d’une maternité avec des nouveau-nés, et de l’autre, mon établissement distribuait des produits nocifs pour la santé humaine. Or, lorsqu’un établissement de santé distribue des produits à des parents, ces derniers peuvent penser qu’ils sont sains et que nous les cautionnons.

Avec le C2DS, nous avons donc décidé de faire du lancement d’alerte. Nous avons demandé aux industriels leur autorisation de mise sur le marché, les contrôles. Mais nous avons vite réalisé qu’ils ont tous les pouvoirs et aujourd’hui, finalement, peu de chose ont changé. Certes, il existe des gammes de produits éco-labélisées. Mais il y a toujours des allégations mensongères de la part des industriels, ce que nous ne pouvons pas cautionner.

C’est ce que vous appelez le lobbying éthique ?

Tout à fait. Avec le lobbying éthique, notre logique est d’agir dans l’intérêt général. De fait, chaque année, nous menons des actions ciblées. Par exemple, nous avons travaillé sur les biberons à usage unique distribués dans les maternités à la naissance des bébés. Cela ne fait aucun sens ! Les contenants génèrent des déchets (9 millions de biberons, tétines et collerettes ont été jetés l’année dernière), et en plus, ils rejettent des perturbateurs endocriniens dans le contenu. Pourquoi ne pas revenir à des biberons lavables en verre ? Nous ne faisons pas que dénoncer, nous proposons aussi des solutions.

Avec le lobbying éthique, notre logique est d’agir dans l’intérêt général. [...] Nous travaillons depuis deux mois sur un livrable portant sur la décarbonisation du système de santé, afin de réduire l’empreinte carbone. Aujourd’hui, la réglementation demande aux établissements de réduire de 40 % leur émission de gaz à effet de serre.

Autre exemple : nous travaillons depuis deux mois sur un livrable portant sur la décarbonisation du système de santé, afin de réduire l’empreinte carbone. Aujourd’hui, la réglementation demande aux établissements de réduire de 40 % leur émission de gaz à effet de serre. Comment faire ? Nous avons mis en place 13 groupes de travail sur 13 thématiques : les achats, les déchets, la consommation d’énergie… Notre objectif est de présenter un projet au printemps, qui sera le fruit de la réflexion de tous les adhérents du C2DS.

Si un établissement souhaite se lancer dans une démarche Responsabilité sociétale des entreprises (RSE), peut-il contacter le C2DS ?

En 2009, lorsque des établissements de santé nous ont informé vouloir « aller plus loin », bénéficier d’une évaluation, d’audit, de scoring RSE et d’un accompagnement, nous avons créé une filiale, Primum non nocere. Elle assure toutes ces missions avec 25 consultants formés, qui connaissent le terrain. Aujourd’hui, nous allons même jusqu’à décerner un label RSE aux établissements les plus engagés, en lien avec la Socotec.

La répartition des rôles est très claire entre Primum non nocere et le C2DS, en sachant que le C2DS mène aussi un travail prospectif et travaille à des propositions de loi par exemple sur ce sujet de décarbonisation des établissements de santé ou encore sur le Plan nationale santé environnement.

Néanmoins, je pense que le C2DS ne devrait pas exister car il réalise un travail qui devrait être effectué par les ministères de la Santé et de l’Environnement. Le C2DS devrait être transformé en agence nationale d’Etat avec un fonctionnement financé sur des fonds publics, mais avec le pilotage actuel, c'est-à-dire à échelle humaine, et non comme les autres administrations…

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