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Améliorer le parcours de soins du patient diabétique

Le diabète concentre à lui seul plusieurs grands défis selon le Dr Charles Thivolet, endocrinologue et vice-président de la Société francophone du diabète (SFD).

Par Carole Ivaldi.

Carole Ivaldi

Le diabète : défi épidémiologique et économique

« Compte tenu de l’augmentation de la prévalence du diabète et du constat concomitant d'une diminution du nombre de praticiens, le premier défi est d'ordre épidémiologique. On se trouve en effet face à une situation paradoxale entre l’émergence d’une pathologie chronique et une carence dans les soins primaires et secondaires pour la prise en charge raisonnée, coordonnée, de cette pathologie. »

Le second défi est économique et relatif à une augmentation exponentielle des coûts. « Ce n’est pas spécifiquement en raison des coûts du médicament, explique le Dr Thivolet, mais en raison de l’augmentation de 15% des prix  des dispositifs médicaux sur la dernière année. Cela implique d’être beaucoup plus efficient dans l’utilisation des moyens que l’on nous accorde pour mieux utiliser les ressources. »

Améliorer l’organisation du parcours de soins

Le troisième défi, de taille, « est de mieux organiser les parcours de soins, ce qui implique une meilleure coordination autour des acteurs de proximité, et de renforcer la coordination entre les soins primaires et les soins de recours de proximité ou hospitaliers. » insiste le Dr Thivolet.

D’ailleurs, le forfait diabète lancé à l’hôpital, dans le cadre du programme « Ma Santé 2022 » va dans ce sens et a été salué par les équipes car il devrait permettre plus de coordination, plus de pertinence, et laisser la liberté aux équipes soignantes pluridisciplinaires de s’organiser autour du patient pour arriver à un suivi personnalisé adapté de qualité. « On parle de parcours, mais il y a autant de parcours que de patients, ajoute Annie Vannier, présidente de la SFD Paramédical. Pour que l’organisation tienne compte des spécificités de chacun avec pour objectif d’améliorer leur qualité de vie, il faut un mode de financement qui permette aux équipes à l’hôpital, mais aussi en ville, de s’organiser pour dispenser les soins requis. »

Il faut aussi insister sur l’importance de la prévention qui passe par des méthodes qui permettraient de prévenir plus tôt l’apparition du diabète et de le dépister utilement. « Le diabétique ce n’est pas qu’une glycémie. Le risque cardiovasculaire est aussi élevé. Il faut raisonner de façon globale sur l’ensemble des facteurs de risques cardiovasculaires du patient car le pronostic est cardiaque. », précise le Dr Thivolet. 

Au sein du plan « Ma santé 2022 », une grande réflexion va être menée autour du parcours de soins du diabète. « Il faut définir les points de rupture, c’est-à-dire à quel moment il faut recourir à des spécialistes pour avoir un avis, avec des indicateurs à l’appui », reprend le Dr Thivolet. « Échanger, partager des informations est au cœur de cette problématique. En France nous avons un vrai problème : il y a presque autant de systèmes de santé que de praticiens. Une meilleure coordination permettrait d’avoir en temps réel des informations partagées entre tous les spécialistes afin de synthétiser des informations pertinentes sur un patient, et éviter par exemple la redondance des examens. Il est aussi nécessaire d’évaluer les pratiques pour repérer les sujets à risque, et se mettre en harmonie avec les recommandations. »

Également central est l’engagement du patient, ainsi que la notion de lutte contre l’inertie thérapeutique aussi bien pour les patients que pour les praticiens. « Il faut éviter d’être dans des zones de confort où l’on a parfois tendance à reproduire des prescriptions. », conclut le Dr Thivolet

Le médecin généraliste, chef d’orchestre du suivi du patient diabétique

Le médecin généraliste est un véritable  chef d’orchestre dont le rôle est multiple : du diagnostic à l’annonce, en passant par l’éducation thérapeutique, il doit aussi orienter le mieux possible le patient diabétique auprès des nombreux intervenants que ce dernier va être amené à rencontrer (infirmier libéral, kinésithérapeute, podologue, diététicienne, un diabétologue, le cardiologue, le rhumatologue, ophtalmologue etc.). D’ailleurs, pour Annie Vannier, « la multidisciplinarité entre tous les paramédicaux est un facteur de réussite dans la prise en charge des patients diabétiques. »

« Il faut éviter d’être dans des zones de confort où l’on a parfois tendance à reproduire des prescriptions. [...] les nouveaux outils numériques impliquent une vraie formation des patients qui ont besoin d’un réel accompagnement.»

Les délais pour obtenir un rendez-vous avec un diabétologue peuvent représenter un véritable obstacle à un suivi de qualité, car ils atteignent parfois plusieurs mois. « C’est problématique pour le patient, mais aussi pour le médecin généraliste lorsqu’il est en impasse thérapeutique. Il faut tout faire pour que les patients voient les bons spécialistes au bon moment. » insiste le Dr Philippe Laumonier, médecin généraliste à Montreuil-sur-Mer. 

Les nouvelles technologies au service de l’ambulatoire en diabétologie ?

L’essor rapide des nouvelles technologies commence déjà à voir un impact sur la prise en charge du diabète.

Côté dépistage, en officine, l’utilisation du dispositif Sudoscan par les pharmaciens constitue une aide précieuse pour dépister un risque possible de diabète chez les patients et permet de les adresser de manière plus ou moins urgente à un médecin généraliste.

Claire Desforges, responsable des affaires publiques à la Fédération française des diabétiques ajoute que le dépistage automatique de la maladie reste inexploité, alors que la transformation numérique devrait permettre d’améliorer la coordination des soins et le dialogue médecin-patient, et d’aider le professionnel à la décision médicale. « Néanmoins, pour que ces innovations fonctionnent, il faut qu’elles soient développées avec et pour les patients. Depuis sa création il y a quatre ans, le diabète-lab(1), dispositif de production d’informations et de connaissances sur la vie quotidienne des patients diabétiques, permet de penser l’innovation avec le patient : des sociologues interrogent les patients sur leurs besoins et leurs attentes. »

Cependant, ces nouveaux outils numériques impliquent une vraie formation des patients qui ont besoin d’un réel accompagnement. Avoir de nouveaux outils connectés qui permettent de transférer des données plus facilement peut permettre de moins voir son médecin « en présentiel », mais va renforcer le lien, l’échange entre le patient avec son médecin.

Les nouvelles technologies sont un moyen de mieux communiquer, d’échanger plus simplement entre professionnels mais aussi avec le patient. Le DMP a un potentiel énorme. « Il faut parler, échanger, inclure les patients et co-construire des nouvelles stratégies thérapeutiques » conclut le Dr Laumonier. 

La télé-expertise : une alternative intéressante dans certains cas

La télé-expertise peut être intéressante sur des actions ponctuelles. Dans la Creuse, une télé-expertise a été lancée avec toutes les infirmières de la région pour optimiser la prise en charge des plaies des patients diabétiques et améliorer l’organisation des rendez-vous dans un contexte de pénurie médicale. « Cependant il faut rester dans une prise en charge personnalisée », insiste Annie Vannier. « Il faut s’appuyer sur toutes les structures existantes autour de nous, ce qui est possible grâce à l’existence sur notre territoire d’un réseau de diabétologie ».

(1) https://diabetelab.federationdesdiabetiques.org/

 

par Carole Ivaldi