Prévenir la sédentarité en Europe
« Prévenir la sédentarité : où en est on en Europe ? ». C’est à cette vaste question de santé publique que l’association Attitude Prévention (1) et l'Institut de recherche bio-médicale et d’épidémiologie du sport (Irmes) ont décidé de répondre en avril dernier en présence de nombreux experts français et étrangers.
La sédentarité tue
La sédentarité, loin d’être un petit mal associé au mode de vie des sociétés développées, serait responsable de 5,3 millions de décès dans le monde et constitue la première cause de mortalité évitable devant le tabagisme. Maladies cardiovasculaires, obésité, diabète, cancers, maladies neurodégénératives, troubles du sommeil, et problèmes de santé mentale : les pathologies liées au manque d’activité physique et sportive sont nombreuses.
"Si on réduisait l’inactivité de 25%, 16 milliards d’euros seraient ainsi économisés
et 100 000 vies sauvées."
La station assise est néfaste pour la santé si elle est trop longue et insuffisamment compensée par des plages d’activités physiques. Et bien sûr, l’inactivité physique a un coût : 80 milliards d’euros pour l’Europe des 28. Si on réduisait l’inactivité de 25%, 16 milliards d’euros seraient ainsi économisés et 100 000 vies sauvées.
Les Français moyennement actifs
D’après le bilan du baromètre d’Attitude Prévention et de l’Irmes, avec une moyenne de 7 889 pas par jour, 3 Français sur 4 n’atteignent pas la recommandation de l’OMS des 10 000 pas par jour. Pourtant, un Français sur deux connaît cet objectif des 10 000 pas par jour, contre un sur trois en 2014 et 2015. Contrairement aux idées reçues, avec 7 520 pas en moyenne chaque jour, les 18-24 ans font environ 500 pas de moins que les 45-54 ans.
L'argument du manque de temps est indiqué comme le principal frein à la pratique d’une activité physique. D’autres facteurs impactant le nombre de pas ont été isolés : la météo, l’indice de masse corporelle, le sexe, l’âge… En 2016, les Français ont faire preuve d'une activité plus importante la semaine (8 024 pas contre 7 630 le week-end) et par beau temps (8 206 pas contre 6 846 lorsqu’il pleut). Quant aux enfants, leurs deux principales motivations pour faire du sport sont le plaisir (79%) et le défoulement (71%). Enfin, plus d’un Français sur deux estime que le temps passé devant les écrans se fait au détriment des activités physiques ou sportives.
Bilan européen
Le baromètre d’Attitude Prévention et de l’Irmes montre que la moyenne européenne est de 7 800 pas. « Moyenne qui reste relativement faible par rapport aux recommandations de l’OMS, selon Jean-François Toussaint , directeur de l’Irmes. On conçoit qu’il soit nécessaire de développer toutes les conditions environnementales les plus favorables pour permettre d’augmenter cette dépense énergétique quotidienne qui apporte des bénéfices considérables de santé. »
"D'aprés le dernier Eurobaromètre sur le sport et l’activité physique
46% des Européens ne font jamais de sport"
Pour ce faire, il faut encourager les déplacements à vélo en aménageant des parkings à vélo, en indemnisant les salariés qui se rendent au travail à vélo, en aménageant trottoirs et voiries le mieux possible pour inciter aux déplacements à pied ou à vélo par exemple.
Les résultats du dernier Eurobaromètre sur le sport et l’activité physique révèlent que seulement 40 % des Européens font de l’exercice au moins une fois par semaine, et plus inquiétant, 46 % n’en font jamais. Les meilleurs élèves européens sont la Finlande, la Suède et le Danemark où respectivement 13, 15 et 20 % seulement des personnes interrogées ne font pas de sport. En bas du classement figurent la Bulgarie, la Grèce et le Portugal, pour lesquels 68 % des personnes interrogées déclarent ne jamais faire de sport. Au niveau mondial, certains pays ont des niveaux d’inactivité encore plus important. C’est notamment le cas des pays de la péninsule arabique ou des pays d’Amérique du Nord, les États-Unis en particulier. Enfin, le lien entre la diminution de l’activité physique, l’augmentation de la sédentarité, et l’obésité, est établi de façon très claire au niveau mondial. Les populations les plus minces étant aussi les plus actives se situent en Asie du sud est.
Les politiques publiques de promotion de l’activité physique
En Angleterre, les pouvoirs publics ont lancé une grande campagne de promotion de l’activité physique « this girl can ». Cette campagne vise les femmes en particulier car elles sont deux millions de moins que les hommes à pratiquer un sport, or 75% des femmes interrogées souhaitent être plus actives. L’une des principales barrières identifiée pour les femmes interrogées étant la peur du jugement, cette campagne a encouragé toutes les femmes faisant du sport à envoyer une photo «non arrangée, non posée » d’elles lors d’une séance de sport, cela afin de modifier les comportements. En un an seulement, cette campagne a déjà réussi à motiver 2,8 millions de femmes à faire plus d’exercice.
En France, une initiative de l’association Attitude Prévention « Bouge avec les zactifs ! » vise les enfants âgés de 6 à 10 ans, afin de les encourager à pratiquer davantage d’activités physiques. Au travers de trois personnages et de cinq dessins-animés, il s’agit de sensibiliser cette cible en passant notamment par des relais pour développer des actions sur le terrain. Enseignants, éducateurs sportifs et animateurs municipaux ont à leur disposition des kits (fiches pédagogiques, films, messages clé, ateliers sportifs, etc.) afin de remplir des objectifs pédagogiques s’inscrivant dans la priorité gouvernementale de diminuer le surpoids et l’obésité chez les jeunes.
Le rôle des médecins
Pour Jean-François Toussaint, le rôle des médecins est essentiel. Médecins généralistes, médecin du travail et scolaires, tous ont un rôle à jouer dans la prévention de la sédentarité.
Concernant la « prévention secondaire », les médecins généralistes sont les plus impliqués. Il peuvent en effet recommander à leurs patients la pratique d’une activité physique afin d’éviter une récidive d’un cancer du sein, d’un infarctus du myocarde, d’une maladie respiratoire, et de bien d’autres pathologies. « On a les preuves que la pratique d’une activité physique va réduire de 20 à 30 % les récidives du cancer du sein ou du côlon. » insiste Jean-François Toussaint. Or, depuis janvier 2016, la loi de modernisation du système de santé reconnaît le sport comme « médicament » et permet aux médecins de faire des prescriptions de l’activité physique adaptée (APA) à leurs patients souffrant d’une affection de longue durée. Il est maintenant nécessaire de trouver les conditions nécessaires de ce remboursement et de son financement complet par le biais des acteurs publics comme des acteurs complémentaires. Et puis cela suppose aussi que les médecins aient constitué un réseau de professionnels du sport aptes à délivrer l’APA.
"Médecins généralistes, médecin du travail et scolaires, tous ont un rôle à jouer dans la prévention de la sédentarité."
Les médecins du travail pourraient jouer un rôle en constatant le nombre d’heures passées assis à des postes de travail qui deviennent des postes très exposés. On sait en effet que la sédentarité est associée avec une augmentation notable de la morbidité dans tous les domaines médicaux et sur tous les organes. Le message essentiel à faire passer devrait être de ne pas demeurer assis inactif trop longtemps.
« Il faut concevoir maintenant des comportements, des protocoles, des environnements qui redeviennent favorables à l’activité physique régulière et à des moments de ruptures par rapport à ces longues heures passées assis. » poursuit le Pr Jean-François Toussaint.
Enfin, du côté de la médecine scolaire, un travail reste à faire sur l’extension du domaine de l’activité sportive afin d’accompagner les heures passées sur les bancs de l’école de moments de rupture.
- par Carole Ivaldi