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#2 : Covid-19 / Les scénarios de sorties de crise : l'endiguement [VIDÉO]

COMME À LA FAC - Comprendre la crise coronavirus est animée par Maël Lemoine, professeur à l'Université de Bordeaux et chercheur dans une unité CNRS d’immunologie, ImmunoConcept.  Son but est de prendre du recul sur les événements Covid-19 en vous livrant un éclairage court et posé de niveau universitaire. Dans ce 2e épisode le professeur explique les ressorts et objectifs d'un confinement strict, c'est la stratégie d'endiguement.

Ci-dessous UNE VIDEO de 3 minutes immédiatement  suivie D'UN ARTICLE

Voir l'épisode précédent #1 sur le scénario d'atténuation

#2 Covid-19 / Les scénarios de sorties de crise : l'endiguement

Les mesures d’atténuation de l’épidémie de Covid-19 ont été jugées insuffisantes parce qu’elles conduiraient à des centaines de milliers de morts dans des pays comme la Grande-Bretagne ou la France. Le confinement que nous sommes en train de vivre est une mesure d’endiguement. Il consiste à réduire de manière permanente la circulation d’un virus sous un seuil supportable pour les systèmes de santé.

On lit beaucoup de raisonnements par comparaison : l’endiguement ne marche pas pour l’Italie ; Taïwan, Singapour et la Corée du Sud ont maîtrisé l’épidémie sans endiguement. Ce sont des raisonnements par extrapolation. Leur force probante est extrêmement faible : ils montrent seulement qu’un scénario est possible, sans préciser à quelles conditions.

Tous les pays développés, ou presque, font les uns après les autres le choix de stratégies d’endiguement. Serait-ce efficace ? Combien de temps cela durera-t-il ?

En quoi consiste l'endiguement

L’étude de l’équipe de Neil Ferguson à Imperial College (Londres) examine différents scénarios d’endiguement. Quel que soit le scénario, l’endiguement suppose toujours une distanciation sociale généralisée, c’est-à-dire une réduction de 75% des contacts en dehors de la maison, du travail et de l’école. Il suppose aussi un isolement des cas. Ces deux mesures peuvent être renforcées soit par la quarantaine des proches de cas infectés, soit par la fermeture des écoles et des universités.
On va appeler le premier scénario endiguement-quarantaine. Voici les résultats.

 

ENCAD1endiguement 

On observe que si ces mesures duraient 5 mois, le nombre de cas dépasserait légèrement les capacités du système de santé britannique pendant l’été, et qu’un nouveau pic toucherait la Grande-Bretagne à la fin de l’automne.

Le deuxième scénario, qui comporte la fermeture des universités et des écoles, fait mieux. Appelons-le « endiguement scolaire ». Prolongé jusqu’à la mi-Septembre, il réduirait efficacement le nombre de contaminations bien en dessous des capacités d’accueil. Un pic beaucoup plus haut surgirait à la fin de l’automne.

La politique ON/OFF

Pour éviter le pic de fin d’année, l’équipe de Londres propose une politique on/off. L’idée serait de maintenir en permanence l’isolement des cas et la quarantaine des proches, et de déclencher par intermittence la distanciation sociale généralisée et la fermeture des écoles et universités. Voici ce que cela donnerait :

ENCAD2endiguement

Au terme du premier épisode d’endiguement, qui durerait six semaines, il faudrait remettre ces mesures en application à chaque fois pour un mois, avec des périodes de relâchement de 15 jours. Cette politique durerait indéfiniment jusqu’à ce qu’un traitement ou un vaccin soit trouvé.
Il faut être bien explicite sur ces deux scénarios : aucun d’eux ne suppose le confinement de toute la population et l’arrêt total de l’économie. Cette mesure que nous vivons actuellement, le lockdown, n’est pas envisagée. On peut supposer qu’elle permet d’obtenir plus rapidement une baisse du nombre des cas et de réduire ainsi la durée de la première phase d’endiguement.

Une fois que le confinement sera levé, il faudra donc maintenir en permanence les politiques d’isolement-quarantaine, et probablement fermer par intermittences les écoles et les universités. L’étude de Neil Ferguson se conclut sur deux points d’interrogation. Tout d’abord, quelle sera l’acceptabilité sociale et économique de ces mesures ? Ensuite, jusqu’à quand faudra-t-il les maintenir ? Probablement jusqu’à l’arrivée d’un vaccin – ou d’un traitement miracle, dont on parlera dans l’épisode 3 de « Comme à la fac : comprendre la crise  Covid-19  : Les traitements du covid-19 : pourquoi il faut rester prudent en temps de crise »

 

par Maël Lemoine