Comme à la fac - #6 Faut-il porter un masque ?

Le 6e épisode de « Comme à la fac » examine la validité et les objectifs du port du masque COMME À LA FAC - Comprendre la crise coronavirus est animée par Maël Lemoine, professeur à l'Université de Bordeaux et chercheur dans une unité CNRS d'immunologie, ImmunoConceptSon but est de prendre du recul sur les événements Covid-19 en vous livrant un éclairage court et posé de niveau universitaire.

Ci-dessous une vidéo de trois minutes immédiatement  suivie d'un article

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Voir l'épisode #1 sur 
le scénario d'atténuation
Voir l'épisode #2 sur le scénario d'endiguement
Voir l'épisode #3 sur les traitements à l'étude
Voir l'épisode #4 sur le nombre de cas non-détectés
Voir l'épisode #5 sur les tests diagnostiques

#6 Faut-il porter un masque ?

 Dans son communiqué du 2 avril dernier, l’Académie de médecine recommande le port du masque pour les sorties nécessaires pendant la période de confinement et pendant toute la durée du déconfinement, jusqu’à ce qu’aucun nouveau cas n’ait été déclaré sur une durée de deux semaines.

Par Maël Lemoine

MaelLemoine

Cette décision fait suite à des semaines de controverse scientifique sur l’utilité de cette mesure. L’OMS, les Centers for Disease Control and Prevention aux États-Unis et leurs homologues chinois, ont accumulé les messages contradictoires.

Un article publié sur le site de Science le 28 mars dernier faisait le point sur cette question.

En premier lieu, ce qui ne fait aucun doute, c’est que la fonction du masque n’est pas de se protéger soi-même des autres, mais de protéger les autres de soi-même. Tous les experts sont également d’accord, selon Science, sur le fait que si le port du masque a un effet sur la propagation de la maladie, celui-ci est modeste.

Quels sont les effets du port du masque ?

L’effet protecteur reste incertain pour deux raisons.

La première concerne le mécanisme de la contagion. Le virus est présent dans les très fines gouttelettes de salive projetées quand on parle mais la contamination « aérosol », c’est-à-dire par ces fines particules présentes dans l’air, ne fait pas consensus. Seules les gouttelettes plus grosses porteraient incontestablement le virus d’un organisme à l’autre.

La deuxième raison est qu’il est difficile de mettre en évidence un effet de réduction de la contagion en situation réelle. D’abord, les études randomisées menées sur l’efficacité du masque n’ont pas permis de mettre en évidence un effet significatif. Certains disent que dans le monde réel, en revanche, le port du masque entraîne des conséquences indirectes. En effet, porter un masque, c’est aussi limiter le nombre de fois que les individus mettent la main à la bouche, au nez, voire aux yeux. Cela rappelle de laisser une distance physique avec son interlocuteur. A condition, bien sûr, qu’il soit conforme et porté correctement. Et à condition que ceux qui le portent ne se croient pas protégés et ne relâchent pas leur vigilance sur les autres gestes barrière, ce que semblent craindre les experts de l’OMS.

Pourquoi recommander le port du masque à la population ?

Sur quoi s’appuient la recommandation de l’Académie de médecine et la décision, presque simultanée, des autorités américaines de conseiller désormais le port du masque ? Le pari est que le masque réduirait considérablement la présence du virus dans l’environnement – sur les mains d’abord, puis sur les poignées de porte, les rampes d’escalier, etc.

Alors pourquoi n’avoir pas fait ce pari plus tôt ? D’abord parce que cela reste une hypothèse, même plausible. Or il y a beaucoup trop d’hypothèses aujourd’hui, et certaines embrouillent la situation pour les décideurs.

Une autre explication serait le contraste entre le civisme des Asiatiques et l’individualisme des Occidentaux. Mais ce n’est pas l’altruisme des Asiatiques, semble-t-il, qui leur fait porter un masque : c’est l’expérience de deux épidémies récentes.

Science souligne que c’est plus probablement le faible stock de masques qui a conduit les autorités des pays occidentaux à en décourager le port par le grand public dans les premiers temps de l’épidémie. En revanche, c’est la perspective de la fin des mesures de confinement et la montée en puissance de la production qui conduisent à ce revirement.

Qu’on ne s’y trompe pas : ce revirement est politique, pas scientifique. L’effet du masque reste, à ce jour, extrêmement plausible et parfaitement indémontrable. Si nous devons tous suivre ce pari que font les autorités, c’est que nos opinions ne comptent guère. La seule chose qui compte, c’est que si ce pari peut être gagnant, il ne le sera effectivement que s’il est suivi. Alors préparons-nous au masque !

Dans ma prochaine vidéo, je reviendrai sur les différentes manières de compter les victimes du coronavirus.

 

par Maël Lemoine