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Comme à la fac - #10 Les facteurs de risque du covid-19

Différentes études permettent de cerner les facteurs de risque du covid-19 en vue de protéger les personnes vulnérables. L'âge est le principal d'entre eux et d'autres comme le surpoids, les maladies cardiovasculaires... eux-mêmes souvent liées à... l'âge.  COMME À LA FAC - Comprendre la crise coronavirus est animée par Maël Lemoine, enseignant en philosophie des sciences médicales à la faculté de médecine de Bordeaux et chercheur dans une unité CNRS d’immunologie, ImmunoConcept. Son but est de prendre du recul sur les événements Covid-19 en  délivrant un éclairage court et posé de niveau universitaire.

Ci-dessous une vidéo de trois minutes immédiatement suivie d'un article

Accéder à la playlist de tous les épisodes : Comme à la fac : comprendre la crise covid-19

Voir l'épisode #1 sur le scénario d'atténuation
Voir l'épisode #2 sur le scénario d'endiguement
Voir l'épisode #3 sur les traitements à l'étude
Voir l'épisode #4 sur le nombre de cas non-détectés
Voir l'épisode #5 sur les tests diagnostiques


Voir l'épisode #6 sur l'utilité des masques
Voir l'épisode #7 sur le nombre de morts
Voir l'épisode #8 sur les arguments contre le confinement
Voir l'épisode #9 sur l'impact du beau temps

 #10 Les facteurs de risque du covid-19

Avec le déconfinement, une nouvelle politique se dessine : isoler impérativement les sujets infectés et préventivement les sujets vulnérables. Qui sont les sujets vulnérables ?

Par Maël Lemoine

MaelLemoine

La vulnérabilité est essentiellement relative à un risque. Naturellement, on s’intéresse d’abord au risque de mourir de cette infection. Mais le risque de développer une forme sévère et le risque d’hospitalisation sont des variables importantes, notamment parce qu’elles prédisent la saturation des services de santé, laquelle est à son tour un facteur indirect de mortalité.

L'âge et comorbidités

Nous disposons maintenant de l’étude initiale de Wuhan, publiée dans le "Lancet" le 28 mars, incluant 191 patients ; de plusieurs autres études chinoises portant sur des échantillons de petite taille et considérées de bonne qualité ; de l’étude de New York déposée sur MedRxiv le 11 avril, incluant environ 4000 patients ; des données brutes de Santé Publique France et de celles des instituts correspondants. Une méta-analyse du Norwegian Institute for Public Health fait également un bilan simple et intéressant sur la question.

De toutes ces études se dégage un résultat extrêmement clair : l’âge est le principal facteur de risque dans cette épidémie, qu’il s’agisse d’hospitalisation, de gravité ou de mortalité. Les autres facteurs de risque sont des comorbidités. Maladies cardiovasculaires, surpoids, tabagisme, diabète, maladie coronarienne, maladie rénale, pathologies respiratoires ont notamment été étudiées.

Les résultats précédents sont difficiles à interpréter parce que les sujets âgés et les sujets souffrant de comorbidités diverses sont assez largement les mêmes populations. Or on souhaite savoir qui devrait faire l’objet de mesures de protection renforcée : tous les sujets âgés et tous les sujets souffrant de ces comorbidités, tous les sujets âgés souffrant de ces comorbidités, ou bien tous les sujets souffrant de ces comorbidités ?

Comment décréter le degré de vulnérabilité ?

Seules les analyses multivariées permettent d’apporter des réponses à ces questions, parce qu’elles permettent de contrôler l’effet de l’âge par l’effet des comorbidités et réciproquement.

Or l’âge reste clairement, et de très loin, le principal facteur de risque, d’hospitalisation, d’aggravation et de mortalité.

Or l’âge reste clairement, et de très loin, le principal facteur de risque, d’hospitalisation, d’aggravation et de mortalité.

Selon l’étude de Wuhan, le risque de mortalité est multiplié par 1,14 pour chaque année supplémentaire. Selon l’étude de New York, les sujets de plus de 75 ans ont 66 fois plus de chances d’être hospitalisés que les sujets âgés de 19 à 44 ans, et les sujets de 65 à 74 ans environ 10 fois plus de chances, indépendamment de leurs comorbidités.

L’étude de New York identifie le surpoids (IMC entre 30 et 40) et l’obésité (IMC >40) comme le deuxième principal facteur de risque d’hospitalisation. Maladie coronarienne, maladie cardiovasculaire, diabète et maladie rénale constituent également des facteurs de risque, mais leur importance est bien moindre. Dans l’état de nos connaissances, il est probable que la même conclusion s’imposerait si l’on étudiait des prédispositions génétiques, ou si l’on étudiait le rôle des groupes sanguins.

Quant aux risques de décès, les études portent ironiquement sur des échantillons trop petits pour garantir des conclusions fortes à ce stade, en dehors du rôle de l’âge.

C’est à peu près ce que l’on tient pour acquis à ce jour. Ce rapport de taille entre les facteurs de risques incite à penser que c’est bien prioritairement les aînés qu’il faut protéger. Depuis le 1er mars, environ un millier de personnes de moins de 60 ans sont mortes du covid-19. Au vu de l’ensemble des contraintes et des risques que le confinement général fait peser sur toute la population, c’est bien cette population vulnérable qui doit faire l’objet d’une attention prioritaire pour un déconfinement réussi, de la part des autorités, mais aussi de la part de tous les citoyens.

Dans le prochain épisode de la série, je reviendrai sur les procédures de mise à l’épreuve des traitements du covid-19. Maintenant que l’arbre hydroxychloroquine cache un peu moins la forêt, quelles sont les questions qui se posent aujourd’hui ?

par Maël Lemoine