#21 : La bascule
Toujours en stage en Argentine, de nouvelles péripéties attendent Honorine...
< Billet précédent Billet suivant >
De retour à mon hôtel après m’être baignée d’océan, de sable et de vent, Ricardo m’attendait, l’air inquiet. Je l’interrogeai :
- Tout va bien ? As-tu pu finaliser les derniers préparatifs du congrès pour demain?
- Honorine, j’ai des choses à te dire. Il se passe des évènements politiques très graves ici. Le FMI vient de dévaluer le peso, l’Argentine est ruinée.

- Ruinée ?
- Oui, ruinée. Il faut s’attendre à ce que la plupart des congressistes annulent leur venue, demain.
- Sapristi !… Que comptes tu faire ?
- Puisque nous sommes déjà ici, nous allons maintenir le congrès. Nous accueillerons les congressistes parvenus jusqu’ici et ferons au mieux pour que les conférences aient lieu. Après quoi, il nous faudra rentrer au plus vite pour se préparer au pire.
- Au pire ?
- À l’inflation, à la hausse des prix, à la perte du pouvoir d’achat. Ce qui veut dire plus d’essence dans les stations essence, plus de denrées dans les magasins, plus de matériel chirurgical dans les hôpitaux… Tu sais, nous vivions essentiellement des produits d’importation. Comme vous en France d’ailleurs. Mais aujourd’hui, tout cela est fini !
- Ça veut dire qu’il va falloir que je rentre chez moi ?
- Je n’en sais rien, c’est trop tôt pour le dire. Avec tes euros, tu auras transitoirement un grand pouvoir d’achat. Profite-en pour t’acheter ce que tu n’as jamais pu t’offrir.

- S’il n’y a plus rien dans le pays, à quoi bon ?
- Il y aura toujours pour ceux qui ont de l’argent. Quoiqu’il en soit, les banques ont été prises d’assaut et il n’y a plus d’argent dans les distributeurs. Dès qu’on sera rentrés, je te conseille de faire un aller-retour en Uruguay et d’aller y retirer des dollars. Tu pourras ensuite les échanger contre des pesos quand tu en auras besoin.
Ce jour là, mon voyage prit une tournure singulière. À la soudaine précarité du pays et aux violences policières s’associèrent les initiatives collectives, l’esprit de solidarité et de débrouille jusqu’au bout du bistouri. J’appris à faire de la médecine avec les moyens du bord.

Sommaire
Billet #00 – La genèse
Billet #01 - Les quatre naissances d’Honorine Cosa
Billet #02 - La 1ère année de médecine : l’anatomie
Billet #03 - La 1ère année de médecine : dans l’amphithéâtre
Billet #04 - Les mentors
Billet #05 - Mon premier patient
Billet #06 - La déformation professionnelle
Billet #07 - L’externat ou mon premier stage hospitalier
Billet #08 - Séjour prématuré en maison de retraite
Billet #09 - L’externat ou la vie nocturne
Billet #10 - La Suède ou une société idéale
Billet #11 - Convalescence sur les flots
Billet #12 - Prendre soin
Billet #13 - Étudier la médecine en Suède
Billet #14 - À la recherche du système d’enseignement idéal
Billet #15 - La pharmacienne et les mots magiques
Billet #16 - La peur et ses remèdes
Billet #17 - Vrai faux départ pour l’Argentine
Billet #18 - L’Argentine ou la rencontre entre l’art et la médecine
Billet #19 - Mon quotidien à Buenos Aires
Billet #20 - Un peu de recul
Billet #21 - La bascule
Billet #22 - Crise nationale, fin de la parenthèse