
#07 L’externat ou mon premier stage hospitalier
Mon premier stage hospitalier, je l’effectuai en médecine interne-toxico. Tous les matins, j’étais à poste dans mon service d’affectation ; l’après-midi, sur les bancs de la fac ; les nuits, de garde aux urgences et les weekends, gardienne en maison de retraite. Vaste programme !
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Les lundis matin avait lieu la grande visite. Nous étions une demi-douzaine de blouses blanches, à déambuler dans les couloirs du service. On passait de chambre en chambre pour refaire un point sur les dossiers. À notre arrivée, le patient, intimidé, rétrécissait à vue d’œil. Quant à nous, les étudiants, nous tentions de nous cacher les uns derrière les autres pour éviter le regard du médecin chef.
− Monsieur Caloni vient pour une rectorragie de sang rouge depuis hier, si je comprends bien. Honorine, avez-vous déjà fait un toucher rectal ?
− Non monsieur, répondis-je en réapparaissant à contre-cœur de derrière mon collègue.
− Alors vous prendrez en charge ce patient !
Le reste du temps, j’allais récupérer les radiographies perdues dans les autres services, je collais les examens biologiques dans les dossiers de mes patients, je brancardais lorsque les brancardiers avaient fini leur journée et j’allais voir mes patients, histoire d’apprendre un peu mon métier :
− Bonjour mademoiselle, je suis Honorine Cosa, étudiante en 4e année de médecine. C’est moi qui vais prendre en charge votre dossier.
− Bonjour.
− je peux vous poser quelques questions ?
− Je n’ai pas vraiment le choix, allez-y !
− Heu… Je vois que vous avez pris beaucoup de médicaments, c’est la première fois ?
− Ça fait 4 ans que je viens régulièrement ici.
− Ah ? S’est-il passé quelque chose de particulier, il y a 4 ans ?
− Oui, j’ai échoué au concours de médecine. Vous avez de la chance, vous !
Propulsée 4 ans en arrière, je me revis en 1ère année de médecine, assise à ses côtés. J’imaginais que si je parvenais à entrer en médecine, ce serait mon salut ! Que des médecins bienveillants me prendraient sous leur aile et me transmettraient leur savoir, et que je serais heureuse à vie.
− Vous savez, il y a plein d’autres chouettes métiers. Certains de mes collègues ont interrompu leurs études, tellement ce parcours est dur et ingrat.
− Facile à dire, lorsqu’on a réussi.
Un jour, je rencontrai une amie d’enfance. Nous avions été dans la même classe des années durant. Elle était devenue mannequin puis avait fait plusieurs tentatives de suicide. Nous avons échangé sur nos parcours de vie comme si de rien n’était, laissant de côté son statut de patiente et moi, d’étudiante en médecine.
Jeux de miroir et jeux des différences, jeux de proximité et de mise à distance, je me découvrais peu à peu à travers mes patients, leurs parcours, nos interactions et la fragilité de la vie.
Sommaire
Billet #01 - Les quatre naissances d’Honorine Cosa
Billet #02 - La 1ère année de médecine : l’anatomie
Billet #03 - La 1ère année de médecine : dans l’amphithéâtre
Billet #05 - Mon premier patient
Billet #06 - La déformation professionnelle
Billet #07 - L’externat ou mon premier stage hospitalier
Billet #08 - Séjour prématuré en maison de retraite
Billet #09 - L’externat ou la vie nocturne
Billet #10 - La Suède ou une société idéale
Billet #11 - Convalescence sur les flots
Billet #13 - Étudier la médecine en Suède
Billet #14 - À la recherche du système d’enseignement idéal
Billet #15 - La pharmacienne et les mots magiques
Billet #16 - La peur et ses remèdes
Billet #17 - Vrai faux départ pour l’Argentine
Billet #18 - L’Argentine ou la rencontre entre l’art et la médecine
- par Honorine Cosa