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Les médecins du travail vont accompagner les entreprises dans le suivi post confinement

Dans le cadre de la crise sanitaire Covid-19, les services de santé au travail se sont mobilisés pour accompagner les entreprises et garantir la sécurité des salariés sur le terrain. Quel rôle ont-ils eu pendant le confinement ? Quel accompagnement offrent-ils post-confinement ? Le point avec le Dr Hélène Verdier, médecin du travail au SAMSI service toulousain adhérent au réseau PRESANSE (organisme représentatif des Services de Santé au travail interentreprises).

Propos recueillis par Laure Martin.

LaureMartin

 

Pendant le confinement, de quelle manière avez-vous accompagné les entreprises en poursuite d’activité ?

Notre service de santé au travail interentreprises couvre environ 5 000 entreprises, soit 110 000 salariés. Notre première étape a été de savoir lesquelles restaient ouvertes pendant le confinement. Avec l’équipe pluridisciplinaire – médecins, infirmiers, ergonomes, assistantes de santé au travail, techniciens – nous avons adopté une démarche très proactive en leur envoyant à toutes un email pour nous renseigner. Nous avons obtenu des réponses mais pas suffisamment. Nous avons donc utilisé les codes ″Nomenclature d’activité française″ (Naf), qui déterminent les branches d’activité, pour en déduire les entreprises restées ouvertes et nous les avons appelées. Cela nous a pris trois semaines pour en joindre 2 000. Jusqu’à ce que le gouvernement créé et diffuse ses propres fiches métiers, nous leur avons proposé des outils que nous avons élaboré pour le maintien d’une activité en toute sécurité.

Nous les avons également accompagnées à réaliser leur Plan de continuité d’activité (PCA)(1) ainsi que la mise à jour de leur document unique d’évaluation des risques professionnels. Les employeurs ont été très satisfaits de notre présence. Certains nous ont d’ailleurs sollicités directement pour être accompagnés dans leur organisation. Nous avons aussi créé une cellule de veille sanitaire et juridique dont le rôle est de sélectionner et diffuser les nombreux documents législatifs et administratifs des tutelles pour les entreprises et les salariés. Nous avons alimenté notre site Internet avec ces documents rendus alors accessibles aux entreprises que nous suivons.

Et côté salariés ?

Nous avons également adopté une démarche proactive envers les salariés identifiés comme fragiles vis-à-vis du virus, notamment ceux en Affections de longue durée (ALD). Nous avons appelé plus de 800 personnes pour savoir comment elles se sentaient, leur conseiller d’arrêter leur activité professionnelle, les accompagner dans la déclaration de cet arrêt à l’Assurance maladie via le site Ameli.fr.

Certains salariés nous ont aussi sollicités directement, notamment ceux qui avaient des craintes par rapport au virus. Nous avons d’ailleurs mis en place une cellule d’accompagnement avec les infirmiers et les psychologues, pour ceux ressentant le besoin de parler.

Avez-vous mis en place des nouveaux dispositifs ?

Nous avons déployé la téléconsultation, ce qui est nouveau pour nous. Le temps de nous organiser, nous avons débuté par des échanges téléphoniques. Puis nous avons mis en place un outil en lien avec notre logiciel métier, qui valide la téléconsultation. D’un point de vue logistique, c’est un peu compliqué à mettre en place et au lieu de faire dix consultations par vacation, nous en faisons cinq, à la fois parce que cela prend du temps pour la connexion, mais aussi parce que les salariés ont un grand besoin de parler. Mais nous privilégions la téléconsultation pour éviter l’exposition des personnes au virus.

Avez-vous continué les visites en présentiel ?

Oui pour un certain type de visite, notamment pour les embauches des personnes en surveillance renforcée et s’il est nécessaire d’effectuer un examen clinique en cas de reprise d’activité d’un salarié à la suite d’un arrêt de travail.

Aujourd’hui, de nombreuses personnes fragiles, en arrêt pendant le confinement, reprennent leurs activités professionnelles, certaines pour des raisons financières. Nous les priorisons, mais en téléconsultation, parce qu’elles sont fragiles justement. Nous sommes un lien avec le médecin traitant pour nous assurer qu’elles peuvent effectivement reprendre. Notre travail consiste également à vérifier qu’elles bénéficient, au sein de leur entreprise, des conditions de travail optimales, en lien avec leur situation, pour reprendre une activité. En fonction de la connaissance que nous avons de l’entreprise, nous pouvons nous déplacer sur le site pour nous en assurer. Et, bien entendu, les salariés peuvent nous contacter en cas de problème.

Quels sont les dispositifs que les entreprises doivent mettre en place pour permettre la reprise d’activité de leurs salariés ?

Les entreprises doivent respecter les mesures barrières et fournir du matériel de protection à leurs salariés. Au début du confinement, elles ont été confrontées à des problèmes d’accès à ce matériel. Mais nous constatons aujourd’hui leur volonté réelle de respecter les protocoles mis en place par le gouvernement.

Toutes les règles autour du télétravail sont également à respecter. En tant que service de santé au travail, nous pouvons d’ailleurs indiquer que tel salarié fragile doit en bénéficier. Nous avons mis en place des webinaires pour donner des conseils d’aménagement de poste à la maison.

Constatez-vous l’apparition de nouveaux risques psychosociaux chez les salariés en cette période de forte tension ?

Nous identifions de nouveaux risques comme l’anxiété à la fois vis-à-vis du risque sanitaire, mais aussi concernant le devenir économique de leurs entreprises. D’ailleurs, en Occitanie, nous avons instauré un soutien psychologique pour les employeurs, afin de les soutenir face aux problèmes économiques que peuvent traverser leurs entreprises. Ils en ont grand besoin.

(1) Le plan de reprise d'activité d’une entreprise constitue l’ensemble des procédures documentées lui permettant de rétablir et de reprendre ses activités en s’appuyant sur des mesures temporaires adoptées pour répondre aux exigences métier habituelles après un incident.

Retrouvez les douze épisodes de la web-série « COMME À LA FAC », qui apporte des éclairages sur des aspects scientifiques fondamentaux en jeu dans la crise du coronavirus que nous vivons ici
par Laure Martin