Résilience #2 /Anxiété au temps de la pandémie, du confinement et du déconfinement
Avec la crise sanitaire Covid-19, les personnels soignants sont durement mis à l’épreuve. De nombreux critères et indicateurs font état d’une recrudescence de leur souffrance anxieuse. Comment appréhender cette anxiété et s’en défaire ? Dans le cadre du cycle de webinaires "Résilience" organisés par Groupe Pasteur Mutualité, le Pr Corinne Isnard-Bagnis, néphrologue, aborde la question avec le Dr Christine Mirabel Sarron, psychiatre et praticien hospitalier au GHU Paris-Neurosciences. Voici la synthèse des propos tenus au cours de l'épisode de ce cycle consacré à la prévention des traumatismes.
Synthèse réalisée par Laure Martin.
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Dans le contexte actuel, tout le monde peut être concerné par l’anxiété. Cette anxiété prend différentes formes : la peur anticipée d’aller au travail, la peur de transmettre le virus à sa famille ou à ses amis. « Est-ce une réactivité normale de tout être humain d’être anxieux », interroge le Pr Isnard-Bagnis.
« Il s’agit effectivement d’une réaction normale car nous sommes actuellement en situation de stress, au contact d’un virus que nous connaissons mal, fait savoir le Dr Mirabel Sarron. Nous sommes donc dans l’incertitude, face à quelque chose de non contrôlable. » La situation de stress est également activée d’un point de vue cérébral. « Cette émotion de peur engendrée par le virus peut déstabiliser notre système de régulation émotionnelle, générant alors de l’anxiété », poursuit le Dr Mirabel Sarron. Une situation qui peut se manifester par une boule au ventre, les épaules tendues, des pensées négatives, des difficultés à s’endormir, des réveils nocturnes.
Une boule au ventre, les épaules tendues, des pensées négatives, des difficultés à s’endormir, des réveils nocturnes...
S’aider…
Il est essentiel pour les soignants de prendre conscience de cet état anxieux, car l’anxiété peut avoir un impact sur la qualité des soins : le soignant peut se mettre en retrait des autres, de l’équipe, perdre confiance en soi, trembler lors de la réalisation d’un geste. Dès lors que l’anxiété génère de la souffrance, il faut agir.
Mais avant de consulter, il est possible d’intervenir soi-même sur ses émotions. « Lorsque l’on ressent quelque chose de désagréable, il faut apprendre à nommer ce que l’on ressent, puis accepter de rester avec cette émotion, observer sa manifestation, explique la psychiatre. En l’apprivoisant, elle va s’estomper. »
Elle déconseille alors de se distraire avec de la musique, de l’alcool, l’alimentation, bref avec des palliatifs et encourage davantage à apprendre à vivre avec cette émotion négative, même si ce n’est pas confortable, pour la laisser « progressivement se diluer ».
L’anxiété peut avoir un impact sur la qualité des soins : le soignant peut se mettre en retrait des autres, de l’équipe, perdre confiance en soi, trembler lors de la réalisation d’un geste.
Face à une situation d’anxiété, mais aussi pour la prévenir, les soignants doivent prendre soin d’eux, de leur sommeil, de leur alimentation, faire de l’exercice physique. « Il est aussi fondamental de partager ses émotions avec des personnes-ressources comme sa famille, ses amis, soutient le Dr Mirabel Sarron. On n’ose pas toujours le faire, pourtant, il est important de parler de son mal-être mais aussi des moments positifs avec les autres, avec son équipe. Il s’agit d’une stratégie d’auto-soins. » Il ne faut pas hésiter non plus à s’accorder des petites pauses, des petits moments de plaisir de 30 secondes à 5 minutes pour permettre une régulation des émotions au niveau cérébral : écrire, lire, dessiner, se laisser aller à sa créativité.
…et se faire aider
Si l’anxiété est trop forte, il est recommandé d’aller consulter un professionnel. « Il vaut mieux consulter une fois et obtenir quelques conseils permettant un retour à normal que d’être dans un mal-être qui peut conduire, après quelques semaines, à une dépression », souligne le Dr Mirabel Sarron. Et de poursuivre : « Lors de cette consultation, le psychiatre explore l’expérience émotionnelle de la personne. Il cherche à connaître le contexte de l’anxiété, la manifestation de la souffrance, en continue ou par intermittence, les facteurs environnementaux et internes qui favorisent la souffrance. »
Pour le soignant c’est important de parler de son mal-être mais aussi des moments positifs avec les autres, avec son équipe. Il s’agit d’une stratégie d’auto-soins.
Ensuite, ensemble, ils cherchent des moyens pour agir sur cette souffrance, par exemple des techniques de respiration, de relaxation pour réguler l’état anxieux. « Nous cherchons à développer une stratégie personnalisée, précise la psychiatre. Mais si cela ne fonctionne pas, et que la souffrance est installée, se pose alors la question de mettre en place un traitement régulateur de l’anxiété. »
Il est d’autant plus important de ne pas passer sous silence ce sentiment d’anxiété qu’il peut être révélateur d’un terrain particulier, d’une fragilité antérieure à la crise sanitaire. « Certaines personnes ne se rendent pas compte qu’elles sont anxieuses, signale le Dr Mirabel Sarron. Une consultation permettra de s’assurer qu’il n’y a pas un terrain anxieux antérieur et ignoré. »
- par Laure Martin