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Simulation en santé : « Jamais la première fois sur le patient »

Le recours à la simulation pour la formation des étudiants en santé et pour la formation continue des professionnels de santé est de plus en plus plébiscitée. Plusieurs structures se déploient sur le territoire notamment au Centre hospitalier universitaire d’Amiens et au Centre hospitalier de Chinon.

par Laure Martin.

LaureMartin

La Haute autorité de santé (HAS) a publié en février 2019 un guide méthodologique sur la simulation en santé et la gestion des risques. Cette pratique permet le partage d’un certain nombre de valeurs : pluriprofessionnalité, rôle pédagogique, implication des acteurs, bienveillance et culture positive de l’erreur, sécurité des patients. Des valeurs que le CHU d’Amiens déploie depuis janvier 2016 avec son centre de pédagogie active multidisciplinaire SimUSanté, qui propose des formations initiales et continues sur la base de la simulation afin « d’apprendre ensemble pour soigner ensemble », explique le Pr Christine Ammirati, chef de Pôle au CHU d’Amiens, à l’origine de la structure. « La simulation fait partie des référentiels des formations en santé notamment parce qu’elle permet une réelle acquisition des compétences et de replacer le patient aucentre de nos préoccupations, rappelle-t-elle. La simulation paraît très technologique alors qu’elle a un véritable impact sur l’humain et sur la communication soignant-soigné. » Depuis sa création, le nombre de passages au sein de SimUSanté ne cesse d’augmenter pour atteindre, en 2017, 9 000 personnes formées : 3 000 en formation initiale médicale, 3 000 en formation initiale paramédicale et 3 000 en formation continue. « Plus le temps passe et plus le recours au plateau technique de simulation est important et se diversifie car l’ensemble des professionnels de santé en formation l’utilise », indique le Pr Ammirati. Actuellement, 180 formateurs enseignent à SimUSanté, à savoir des professionnels de santé universitaires ou faisant partie d’instituts de formation.

Formation initiale…

Au sein de SimUSanté, la simulation est d’abord procédurale : les étudiants apprennent à faire des gestes sur des mannequins. Dans ce cadre, la simulation peut être hybride puisqu’un formateur ou un étudiant peut enfiler le bras d’un mannequin pour jouer le rôle d’un patient. « Cela permet de travailler sur la prise en charge globale du patient », indique le Pr Ammirati. D’ailleurs, un enseignement optionnel sur la communication en situation de soins est proposé avec des étudiants de la faculté d’art qui jouent des patients auprès des étudiants en santé afin de travailler sur des situations d’agressivité. A l’issue de chaque simulation, les étudiants sont débriefés par les enseignants.
Ce recours à la simulation participe directement au développement de l’interdisciplinarité, et ce, dès la formation initiale. Des enseignements conjoints sont prévus entre les élèves sages-femmes et les infirmières puéricultrices ou encore entre les infirmiers anesthésistes et les médecins anesthésistes. « Nous œuvrons aussi à l’apprentissage par les pairs, poursuit le Pr Ammirati. Par exemple, nous avons intégré le tutorat entre des élèves de 4ème et de 5ème années de médecine, auprès des élèves de 2ème et 3ème années. Nous le faisons aussi pour les étudiants paramédicaux. » Des élèves infirmiers forment par ailleurs des étudiants en médecine sur la manière de poser une perfusion, de réaliser une mesure des gaz du sang ou encore de poser une sonde gastrique. Ces formations conjointes permettent aux étudiants d’avoir un regard différent sur les autres professions de santé.

…et continue

SimUSanté propose en outre 120 types de formation continue au niveau local, régional, national voire international. « Nous avons par exemple une formation sur la robotique chirurgicale, explique le Pr Ammirati. Il y a un an, nous avons fait une première mondiale sur la chirurgie de l’enfant en reproduisant le rachis d’un enfant de six ans pour que les chirurgiens s’entraînent à une opération sur son sacrum. Avant cette intervention de cinq heures environ, les chirurgiens souhaitaient utiliser un robot de neuro-navigation. » Les professionnels de santé ont pu s’entraîner, grâce à une impression 3D, sur le torse de l’enfant pour trouver leurs gestes. « Nous sommes très polyvalents et interdisciplinaires. »
SimUSanté offre aussi des formations en télémédecine et prévoit la mise en place de la première salle de régulation de Samu pour entraîner les assistants. La structure développe également un projet avec un foyer d’accueil médicalisé pour les personnes atteintes d’autisme afin qu’elles puissent s’habituer, via la simulation, à la réalisation d’examen comme une radio ou un scanner et ainsi éviter le recours à l’anesthésie générale. « Une cinquantaine de personnes autistes ont déjà bénéficié de cette simulation et sept d’entre elles n’ont pas eu besoin d’être endormies pour les examens », précise le Pr Ammirati.

En médecine d’urgence

Du côté du CH de Chinon, l’association de simulation Urgent e-sim formation est plus récente puisque créée en novembre 2018. Mais le dispositif a lui, déjà quelques années. Ce sont deux médecins urgentistes ayant eux-mêmes découvert la simulation dans le cadre de leur exercice qui en sont à l’origine. « Dès 2013, avec le Dr Pornin, nous avons essayé de mutualiser notre travail en organisant les Sim Games entre nos deux établissements car à l’époque j’exerçais au CH de Chateauroux, explique le Dr Guillerm Bouilleau. Nous nous sommes dit qu’avec nos actions et un esprit d’équipe, nous pourrions faire acquérir des points de vie à un mannequin de simulation. Notre objectif était de participer à l’amélioration de la qualité de vie des patients. » Le duo a donc mis au point un principe de formation avec une grille d’évaluation composée d’items. Ces derniers regroupent des compétences non techniques comme la communication, le leadership, l’ergonomie de la prise en charge, puis des compétences techniques sur la dispensation des soins en tant que telle. « Après chaque simulation, nous effectuons un débriefing avec les soignants pour verbaliser sur le raisonnement et l’attitude du soignant, dans le but de mieux soigner », indique le Dr Bouilleau. Depuis 2016, ils organisent des Sim’Cup, à l’échelle régionale, avec des équipes qu’ils font travailler en side-by-side. C’est-à-dire que les deux équipes, qui soignent chacun un malade ayant la même pathologie, peuvent s’entraider dans la prise en charge. « Avec cette méthode, l’objectif est d’éviter la tunnelisation car souvent, en situation de crise, les soignants peuvent être amenés à se concentrer sur le voyant rouge et oublient tout le reste », fait savoir le Dr Bouilleau. Des Sim’Cup sont aussi organisées tous les ans en France pendant le Congrès de médecine d’urgence et à l’échelle européenne lors du Congrès européen de médecine d’urgence. « C’est pour toutes ces actions que nous avons dû nous organiser en association, afin de pouvoir dispenser ces formations de manière un peu moins artisanale », explique le Dr Bouilleau.

En interne au CH de Chinon

Ci-dessus une démonstration par les Dr Bouilleau et Dr Pornin de l'association Urgent-E-simul de formation aux gestes d'urgence avec mannequin de simulation auprés d'étudiants en médecine . Le dispositif est ouvert à d'autres professionnels.

Depuis un an, une formation via la simulation se fait également pour le personnel des urgences du CH de Chinon pendant leur temps de travail. Les personnels sont détachés pour passer deux heures en simulation. « À la suite de sollicitations, nous avons aussi développé notre offre à l’échelle territoriale pour les soignants des maisons de santé, en pluriprofessionnalité, rapporte le Dr Bouilleau. Récemment, nous avons effectué une formation de trois heures sur le savoir-faire face à l’urgence vitale. » Des formations sont également organisées à l’échelle départementale, en pluriprofessionnalité, pour les professionnels de la médecine d’urgence du CH de Chinon, du CHU Trousseau à Tours et de la base militaire de Tours. Les médecins et professionnels de santé libéraux peuvent également accéder aux modules de  formation de l'association Urgent E-sim formation qui sont organisées  par commune et communauté de communes : un véritable modèle de coopération entre la médecine de ville et la médecine hospitalière.
L’association prend par ailleurs en charge, en formation initiale, des externes et des internes en stage au CH de Chinon. Ils sont immergés au moyen de grands écrans sur lesquels sont reproduits des photos d’un service d’urgence par exemple. « Aujourd’hui nous imposons à nos internes qu’ils passent au moins une demi-journée dans une séance de simulation et deux demi-journées pour les internes aux urgences », rapporte le Dr Bouilleau. Et de conclure : « Pour nous, la simulation est fondamentale car en médecine, on dit toujours que la première fois ne doit pas avoir lieu sur le patient, mais elle ne doit pas non plus avoir lieu sur le soignant. La simulation permet de s’assurer que l’intervention est sécuritaire, sûre, sereine et solidaire. En médecine d’urgence, nous consacrons également un temps d’intervention à la vérification afin d’avoir un moment de recul pour nous assurer que tout est conforme et mettre en place des actions correctives si besoin. »

 Une formation aux situations d'urgence pour les médecins généralistes

Sur la base d'exercices de simulation, le Dr Guillem Bouilleau anime pour l'organisme DPC M-soigner une formation à la prise en charge des situations d'urgences qui peuvent surgir au cabinet du médecin généraliste. La maîtrise d'un arrêt cardio-respiratoire sera pratiquée sur mannequin.

→ jeudi 28 avril 2022.

→ de 18 à 22 heures.

→ A Tours (Indre-et-Loire).

Infos et inscription : https://www.m-soigner.com/formation/formation/situations_urgence_en_medecine_generale/

par Laure Martin