
#25 : Casting pour une série télé
Dans l’amphithéâtre, nous étions fébriles. Dans les minutes à venir, nous allions devoir choisir un terrain de stage qui allait conditionner les 6 prochains mois de notre vie. Et pour ma part, il s’agissait de mon premier stage d’interne.
C’était toujours stressant, ces moments là : il fallait choisir très vite en prenant en compte ce qu’il restait comme stage, la ville dans laquelle il aurait lieu, ses qualités pédagogiques. Et bien qu’une caméra de TV fût présente ce jour là, nous y prêtions à peine attention, les enjeux étant situés ailleurs.
Lorsque vint mon tour, j’hurlai dans le brouhaha de l’amphi :
Mon choix était fait, je pouvais partir. Après quoi, je rangeai prestement mes affaires et m’apprêtai à quitter les lieux lorsqu’une journaliste m’intercepta.
- Bonjour, vous avez deux minutes ? Vous êtes l’un des 6 étudiants à avoir choisi les urgences et j’aimerais vous parler d’un projet…
- Heu... oui, je vous écoute.
- Voilà, nous allons faire une série télévisée pour France 3 sur la vie d’un étudiant en médecine. Il y aura une vingtaine d’épisodes qui se dérouleront aux urgences. Vous pourriez être le personnage central de la série... On vous filmerait aux urgences et chez vous, dans votre quotidien. De votre côté, vous vous engageriez à venir quelques fois à Paris pour enregistrer la voix off de votre personnage. Qu’en dites-vous ?
- Heu, non merci, je ne suis pas intéressée…
- Si vous changez d’avis, faites-moi signe, voici ma carte.
Ayant déjà vécu la déformation de mes propos après une interview, je m’étais juré de ne plus me laisser embobiner. Et puis, une chose était de faire des erreurs durant ses études, une autre était de les voir filmées. Après la gloire, j’imaginais trop bien les ennuis qui pourraient en découler. Alex, mon acolyte, lui, se prêta très volontiers au jeu pendant que j’évitais consciencieusement la caméra.
Lorsque la série fut diffusée, ce fut un séisme dans l’hôpital. Entre les blâmes suivis de démissions, les chefs de service convoqués, le licenciement d’un médecin pour faute professionnelle, le divorce de deux autres, l’addition fut salée. Celui qui s’en tira le mieux fut Alex. Il reçut quelques courriers d’admiratrices et évita les gros écueils.
De mon côté, j’étais contente d’être restée à l’écart de tout ce "cinéma" et je me rappelais cette phrase qui résonnait de plus belle dans ma tête : pour vivre heureux, vivons cachés !
Sommaire
Billet #01 - Les quatre naissances d’Honorine Cosa
Billet #02 - La 1ère année de médecine : l’anatomie
Billet #03 - La 1ère année de médecine : dans l’amphithéâtre
Billet #05 - Mon premier patient
Billet #06 - La déformation professionnelle
Billet #07 - L’externat ou mon premier stage hospitalier
Billet #08 - Séjour prématuré en maison de retraite
Billet #09 - L’externat ou la vie nocturne
Billet #10 - La Suède ou une société idéale
Billet #11 - Convalescence sur les flots
Billet #13 - Étudier la médecine en Suède
Billet #14 - À la recherche du système d’enseignement idéal
Billet #15 - La pharmacienne et les mots magiques
Billet #16 - La peur et ses remèdes
Billet #17 - Vrai faux départ pour l’Argentine
Billet #18 - L’Argentine ou la rencontre entre l’art et la médecine
Billet #19 - Mon quotidien à Buenos Aires
Billet #22 - Crise nationale, fin de la parenthèse
Billet #23 - Fin du voyage, début d'un autre dans les méandres de l'hôpital
- par Dr Honorine Cosa